La schizophrénie, une maladie très stigmatisée

Autres maladies
La schizophrénie, une maladie très stigmatisée

Chef de service de psychiatrie du centre médico-psychologique, Chu de Clermont-Ferrand, le Professeur Pierre Michel Llorca connaît bien la problématique de la schizophrénie. À l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, aujourd’hui même, le 10 octobre, il livre à Voix des Patients un entretien exclusif.

llorca

Combien de personnes sont touchées par la maladie ?

Cette maladie touche autant les hommes que les femmes, même si chez les premiers, elle commence généralement plus tôt et apparait sous des formes plus graves. En France, 350 000 personnes sont concernées.

schizophrénie

La vie quotidienne des personnes schizophrènes est-elle considérablement impactée ?

Les premiers signes de la maladie se manifestent dans la majorité des cas entre 18 et 25 ans, et se traduit par une perte de capacité à faire un certain nombre de choses. La maladie évolue souvent par « poussées » et fréquemment de façon chronique et impacte de manière très significative la vie des gens, puisqu’elle entraine souvent une interruption professionnelle. Heureusement, près de 30% des personnes schizophrènes peuvent continuer à travailler dans le cadre de milieux dits « protégés », comme les ESAT par exemple. On estime toutefois que plus de la moitié des patients atteints de schizophrénie ne sont pas aptes à travailler.

Sont-ils pris en charge dans des structures spécialisées ?

On estime que près de 85% des patients ont été en contact avec le système de soin. En France, 200 000 d’entre aux sont suivis de façon régulière. Il est parfois nécessaire que les patients soient hospitalisés au long cours, mais ce n’est pas la règle. Les médecins privilégient plutôt une prise en charge ambulatoire pour favoriser une insertion en milieu « ordinaire ». De nombreux patients vivent ainsi de façon autonome, même s’ils nécessitent souvent un support social important.

Avez-vous le sentiment que ces personnes sont stigmatisées ?

Oui, énormément. Il y a eu peu de grandes campagnes structurées de déstigmatisation en France. Il faut néanmoins reconnaître que même dans les autres pays où elles ont été menées, comme aux Etats-Unis par exemple, les résultats sont insatisfaisants. La peur de la folie reste très ancrée dans l’esprit du grand public.. Ceci est souvent accentué par l’utilisation du mot « schizophrénie » qui est souvent inadaptée tant dans les médias que dans le langage courant contribuant à une perception confuse de cette maladie grave.

Les patients ont-ils conscience de leur état ?

Ils n’ont pas forcément conscience de la maladie et de la nécessité de se soigner, surtout quand ils sont dans des périodes de délire. Ils peuvent avoir des hallucinations avec des thèmes mystique ou de toute puissance, ce qui génère des problèmes comportementaux. Ils sont incapables, dans ces moments là de nouer des relations. En revanche, ces phases alternent le plus souvent avec des moments d’accalmie, où ils tentent d’accepter la maladie.

Peut-on guérir la schizophrénie ?

Non on ne peut la guérir au sens du modèle médicale de la restitution à l’identique (ad integrum). On peut toutefois la stabiliser avec des médicaments qui régulent les processus neurobiologiques, ou encore en utilisant des stratégies psychosociales améliorant les capacités de gestion du stress. En effet, le stress peut accentuer les risques de rechute.

Quels sont les facteurs de risques ?

Ils sont, pour partie, d’ordre génétique. Il existe toutefois des facteurs de risque environnementaux. Par exemple, la maladie est moins répandue en milieu rural qu’urbain. Il est difficile de dire si cela est lié au stress, à la pollution… ou à d’autres facteurs.

Comment les aidants vivent-ils la situation ?

De façon parfois dramatique et souvent avec beaucoup de souffrance. Les parents ont souvent beaucoup d’espoirs et d’ambitions pour leurs enfants, or la maladie est associée au rejet, à l’isolement social, à la tension… Leur qualité de vie est nécessairement altérée.