Schizophrénie : symptômes négatifs et symptômes positifs

Schizophrénie : symptômes négatifs et symptômes positifs

Comment la schizophrénie est-elle vécue aujourd’hui ? Laurent Marty, anthropologue, est allé poser la question aux différentes personnes impliquées dans la maladie. Il a demandé à chacun de raconter une ou deux histoires de patients. Les psychiatres, les psychologues, les infirmiers et les travailleurs sociaux ont raconté les histoires des patients qu’ils avaient accompagnés. Les parents ont raconté l’histoire de leur enfant. Les patients ont raconté leur propre histoire. Cela a donné naissance à un livre : « Histoires de patients atteints de schizophrénie » (Convergence Edition) que vous pouvez télécharger sur le site EdiPsy.

Autour de quatre récits de patients, il présente dans La voix des patients cette chronique des schizophrénies aujourd’hui.

Voici la deuxième chronique : Les mots de la schizophrénie. (Retrouvez la première chronique ici)

Au début de mon enquête, je ne savais pas qu’il existait des symptômes négatifs et des symptômes positifs de la schizophrénie. Cela fait partie du vocabulaire utilisé par les psychiatres, parce qu’il faut bien mettre des mots pour définir, diagnostiquer et soigner. Voici ce que j’en ai compris.

– Mathieu est un adolescent que j’ai vu à 18 ans, me raconte un psychiatre. Il était alors au lycée. Beaucoup d’absentéisme, de plus en plus en retrait, phobie sociale, phobie scolaire. Il allait de moins en moins en classe. Il fallait le pousser. A ce moment-là, je lui prescris des antidépresseurs. Ça lui donne l’élan suffisant pour qu’il passe son Bac, et il le réussit. Après, je ne l’ai pas vu pendant un certain temps. Il revient me voir, accompagné de sa mère, un an plus tard. De son Bac, il n’avait rien fait. Il était resté à la maison. Il prend le jour pour la nuit. Il vit sur l’ordinateur la nuit et il dort la journée. Il ne sort plus. Il ne s’intéresse plus à rien. Et puis il arrive, un jour, en me disant : « C’est embêtant, parce que j’entends des voix, des choses qui me parlent ». Il n’avait pas encore structuré ça comme un délire. C’était vraiment le tout début des hallucinations. Après, ça se constitue comme un tableau de schizophrénie négative. Je ne le vois plus beaucoup, parce qu’il ne sort pas de chez lui. Je vois sa mère qui me tient au courant. Aujourd’hui, il devait venir me voir, mais il a des boutons, il ne peut pas venir.

Mathieu entend des voix: les hallucinations et les délires font partie des symptômes positifs – positifs en ce sens qu’il s’agit d’une production, quelque chose que le patient produit en plus. Ensuite, il ne sort plus, se met en retrait de la vie sociale: ce sont les symptômes négatifs, le contraire de la « production »: quelque chose de la vie ordinaire qu’il ne fait pas.

La différenciation entre ces deux types de symptômes existe depuis longtemps, mais elle a repris de l’importance depuis les années 1990: les nouveaux traitements permettent de stabiliser les symptômes positifs (hallucinations, délires), sans pour autant assommer complètement le patient, comme pouvaient les faire les premiers neuroleptiques. Restent alors les symptômes négatifs, plus difficiles à diagnostiquer, plus difficiles à soigner. Mais en même temps, le patient est plus disponible pour un suivi thérapeutique. Il faudra cependant du temps, et de la patience, disent les soignants.

Crédit photo : © auremar – Fotolia