Pour une alliance thérapeutique

Pour une alliance thérapeutique

L’observance est une problématique importante dans les pathologies chroniques comme  la polyarthrite rhumatoïde. Explications du Dr Poivret, rhumatologue.

Dr Poivret

Qu’en est-il du problème de l’observance dans la polyarthrite rhumatoïde ?

Nous n’utilisons plus le terme d’observance, trop lié à l’idée d’ordre donné, nous lui préférons celui d’adhésion, qui implique un mouvement actif et volontaire. L’adhésion aux traitements, mais aussi aux règles d’hygiène de vie associées à la gestion de la maladie est loin d’être parfaite, elle ne dépasse pas 80 % dans nombre de pathologies chroniques lourdes, comme les greffes rénales ou cardiaques, mais aussi dans l’utilisation des traitements de fond des rhumatismes inflammatoires chroniques, comme la polyarthrite rhumatoïde.

Pour quelles raisons les patients agissent-ils ainsi ?

Lorsqu’on leur demande, les patients expriment une multitude de raisons, plus ou moins irrationnelles mais auxquelles ils adhèrent très profondément. Certains ont peur de devenir dépendants du traitement, c’est-à-dire de ne plus jamais pouvoir s’en passer, l’expression qui revient alors est : « je ne veux pas me droguer ». D’autres estiment que si les douleurs et les arthrites ont diminué, alors il n’est plus nécessaire de prendre le traitement, ils veulent tout oublier d’un coup et  arrêtent leurs médicaments, sans en parler à personne. Chacun a ses représentations, ses espoirs et ses craintes, parfois très éloignées de la réalité. Nous avons appris à respecter ces croyances, à ne pas les juger. Nous cherchons, par des attitudes adaptées, à impliquer le patient dans son traitement, pour qu’il en tire un maximum de bénéfices, au delà de ses idées personnelles, toujours bien ancrées dans des traditions et expériences personnelles. Il est très important de dialoguer avec chacun et d’instaurer un climat de confiance pour que chaque patient soit traité au mieux et se traite lui même au mieux en devenant acteur de sa santé.

L’éducation thérapeutique a-t-elle du sens en matière d’adhésion  ?

Oui, absolument, améliorer l’adhésion est un défi majeur adressé aux soignants en ce début de vingt et unième siècle. C’est un travail d’équipe, il faut se mettre à plusieurs autour du patient pour lui apporter chacun son savoir, son expertise, sa personnalité. Les médecins  tentent de dialoguer au plus près de chaque participant. Pourtant  l’infirmière, la diététicienne, le kinésithérapeute sont souvent assaillis de questions que les patients n’ont pas voulu aborder directement avec nous. L’image du médecin reste celle d’un homme de science, celui d’une infirmière d’un être plus proche, plus compréhensif. Un travail d’équipe, c’est être chacun à sa place, toute sa place et à une place complémentaire avec celle des autres. Nous formons un ensemble, qui se doit d’être cohérent, pour permettre à chaque patient de vivre avec et au delà de sa maladie.

Quels sont les risques si on arrête son traitement ?

Dans le cas de rhumatismes inflammatoires, si on arrête le traitement brutalement, une récidive apparaît 9 fois sur 10 dans les six mois qui suivent. Par contre, il est possible d’espacer les doses tout en surveillant étroitement l’évolution. Il convient de tenir compte des besoins et attentes de chacun pour négocier les risques et avantages de chaque attitude thérapeutique.

Les nouvelles technologies permettent-elles une surveillance à distance ? 

Les nouvelles technologies sont lourdes de promesses mais toutes les études montrent que leur efficacité est liée à la relation humaine qui l’accompagne. Nous attendons beaucoup de messages personnalisés adressés aux patients par mail, SMS ou autre, en fonction de leur pathologie, de leurs centres d’intérêt, pour améliorer l’adhésion dans le temps. Des projets sont en cours d’élaboration. Adresser un message personnel à chacun est un moyen de poursuivre l’éducation thérapeutique au plus près du patient, mais il faut aussi savoir respecter sa vie privée, son intimité.

Quid de la médecine personnalisée ?

C’est aussi un concept qui prend une importance grandissante. On ne traite pas de la même façon une jeune femme active de 30 ans qui souhaite mener à bien des grossesses, un homme de soixante ans ou une personne âgée. Nous adaptons les traitements et nous nous adaptons à la personnalité de chacun, sous peine de voir l’adhésion et donc les chances de succès du traitement s’effondrer.

Le Dr Didier Poivret est également en charge d’un programme d’éducation thérapeutique au CHR de Metz-Thionville. Retrouvez son interview sur le blog Polyarthrite-rhumatoïde.fr.