Cancer, amour et sexualité : l’avis de la sexologue

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Cancer, amour et sexualité : l’avis de la sexologue

Sexologue clinicienne, psychoaddictologue dans le cadre de SOS Addictions et auteure de plusieurs ouvrages, Magali Croset-Calisto analyse les mécanismes à l’œuvre face à l’épreuve de la maladie. Et met en avant l’importance de conserver tendresse et intimité.

Quel est l’âge moyen auquel survient généralement le cancer ?

En 2017, 214 000 cas de cancer chez l’homme et 185 500 chez la femme ont été diagnostiqués. Selon les dernières statistiques (e-cancer.fr) l’âge médian était de 68 ans chez l’homme et de 67 ans chez la femme. Depuis 2004, le cancer est devenu la première cause de mortalité générale et prématurée (avant 65 ans) en France devant les maladies cardio-vasculaires. Aujourd’hui, un cancer sur deux en moyenne, peut être guéri.

Est-il possible de continuer à maintenir une vie sexuelle pendant la maladie ?

D’un point de vue relationnel, les personnes atteintes d’un cancer savent à quel point il est difficile de maintenir une existence quotidienne sereine lorsque la maladie s’installe. Outre la fatigue, la baisse de moral et les troubles nombreux, la maladie affecte aussi l’intimité et le cadre familial des personnes concernées. Mais contrairement aux idées reçues, l’amour et la sexualité ont un rôle à jouer.

Parce que le cancer ne touche pas uniquement le corps mais aussi l’esprit, les acteurs de santé proposent des prises en charge psycho-sexologiques pour combattre la maladie.

Depuis cinq ans, plusieurs études ont révélé l’importance bénéfique des gestes de tendresse et d’intimité pour contrer les effets délétères d’un cancer. La première consultation en sexologie dédiée spécifiquement aux personnes souffrant d’un cancer a été mise en place en 2014 au CHU du Mans. D’autres ont vu le jour depuis.

Quels sont les effets de la maladie sur le corps ?

Lorsque la maladie s’installe, le corps subit des transformations majeures qui agissent directement sur le désir et la sexualité. Dans les années soixante, les sexologues américains William Masters et Virginia Johnson ont répertorié les mécanismes de « réponse sexuelle » selon quatre phases :

  • La phase de désir et d’excitation sexuelle (attirance, frissons, chaleur, accélération rythme cardiaque puis lubrification chez la femme et érection chez l’homme)
  • La phase de plateau (l’attente induite par la mise en tension)
  • La phase d’orgasme (point culminant du plaisir, submergeabilité de l’être)
  • La phase de résolution (le relâchement des tensions musculaires, le bien-être)

Qu’il s’agisse d’un cancer de la prostate, du sein, de l’utérus ou de toute autre zone du corps, la maladie mais aussi les traitements proposés pour lutter contre la maladie, peuvent altérer – plus ou moins temporairement – une ou plusieurs de ces quatre phases de la sexualité humaine.

Pour la personne atteinte d’un cancer, comme pour le/la partenaire, une nouvelle redéfinition des rapports est à penser, à imaginer, afin de ne pas sombrer dans une fatalité désoeuvrante.

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Magali Croset-Calisto, sexologue clinicienne

Quant aux autres conséquences de la maladie sur le corps (perte des cheveux, troubles du sommeil, changements hormonaux, amaigrissement… ), elles représentent autant de conséquences qui peuvent affecter l’image de soi et mettre en péril l’harmonie du couple. Le corps est fatigué, la mécanique altérée. Une distance entre les partenaires peut parfois s’installer.

Quels sont les effets de la maladie sur l’esprit ?

Les conséquences d’un cancer sur le moral ne sont pas simples à vivre non plus. Dépression, anxiété, sentiment d’impuissance, asthénie profonde, perte de confiance et problème de concentration vont souvent de pair avec la maladie. En matière d’intimité, la majorité des patients constate une chute du désir et de l’excitation sexuelle. Des troubles de l’érection chez l’homme et de lubrification chez la femme surviennent lors d’un cancer.

Face aux efforts à fournir, la tendresse et les gestes d’amour peuvent parfois se raréfier voire totalement disparaître.

L’esprit n’y est plus. Pourtant, bon nombre d’études et de témoignages de personnes en rémission et/ou guéries prouvent à quel point l’amour et la sexualité induisent des mécanismes positifs face à la maladie. D’où point de vue psychanalytique, l’amour et la sexualité – en tant que manifestation d’une pulsion de vie – sont des éléments renforçateurs du principe d’autoconservation et de renforcement du Moi. Ils alimentent la flamme de la vie.

L’amour pendant et après un cancer sont-ils en quelque sorte des alliés de vie ?

Absolument. L’intimité du couple – pendant et après un cancer – est une question qui demeure trop souvent taboue dans les cabinets de consultations alors que l’amour et la sexualité sont de véritables moteurs de vie. Avant toute chose, n’hésitez pas à poser toutes les questions qui vous préoccupent car il est essentiel d’être bien informé.

Dans le cas du cancer de la prostate par exemple, des traitements médicamenteux, des injections intra-caverneuses ou encore des pompes à érection (vacuum) permettent de pallier les dysfonctions érectiles. Pour le cancer du sein, la chirurgie réparatrice redonne souvent confiance aux femmes.

Les sexologues et autres professionnels de santé (urologues, gynécologues, médecins généralistes…) sont formés pour vous apporter les meilleures informations et suivis possibles.

Quels conseils seriez-vous tentée de donner pour la reprise d’une activité sexuelle ?

En ce qui concerne la reprise de l’activité sexuelle, il est préférable de disposer d’un environnement confortable et serein. Une relation intime ne se résume pas uniquement à la pénétration génitale, bien d’autres expériences corporelles peuvent donner du plaisir et procurer des sensations stimulantes. C’est pourquoi, lorsque la libido n’y est plus, l’une des solutions est de réactiver l’imaginaire érotique pour relancer le corps. Il est donc conseillé de conserver un lien avec ses fantasmes, seul ou en compagnie de l’être aimé.

Tendres baisers, mots doux, massages partagés, sont autant de petites choses qui maintiennent ou ravivent l’estime de soi et la relation de couple.

Le partage des ressentis, des émotions mais aussi des craintes nécessite également d’être énoncé. Si le couple ne communique pas, le conjoint aura du mal à comprendre ce qui se passe et la personne malade pourra se sentir isolée. La communication des désirs et des doutes demeure sans conteste la clé de toute bonne entente sexuelle.

N’oubliez pas qu’aimer fait du bien et stimule le système immunitaire. C’est pourquoi l’amour et la sexualité – aussi discrets soient-ils – ont un rôle à jouer face à la maladie.

Penser à entretenir les liens affectifs durant la maladie, c’est avant tout maintenir des liens avec soi-même, son partenaire et avec la vie.