Cancer colorectal : une enquête lève le voile sur le vécu des patients

Cancer colorectal : une enquête lève le voile sur le vécu des patients

L’association France Côlon publie, à l’occasion de Mars Bleu, « Vivre avec un cancer colorectal », une enquête nationale sur ce que vivent les patients, menée avec Epidaure (le département de prévention de l’Institut du Cancer de Montpellier) et le soutien de la Fondation Roche. Quels en sont les résultats ?

Stéphane Korsia-Meffre, responsable de l’enquête, explique :

Cette étude avait un double objectif. Faire un état des lieux et connaître les attentes et les besoins des patients. Nous voulions être sûrs que les priorités que nous donnons à l’association soient celles des patients.»

Voici les principaux points qui ressortent de cette étude.

Un diagnostic tardif

L’enquête montre qu’un patient sur deux a découvert sa maladie avec des symptômes spécifiques comme du sang dans les selles ou de la fatigue. 37% des patients ont consulté moins d’un mois après l’apparition des symptômes et ce sont les femmes qui sont les plus nombreuses à voir un médecin dans ce délai et à effectuer une coloscopie. Néanmoins, 34% des patients ont attendu plus de six mois avant de consulter.

Il faut vraiment qu’après 50 ans, les gens réalisent que, s’ils ont des troubles digestifs qui durent, souffrent d’une alternance de diarrhée et de constipation, il faut absolument aller consulter. Or tous les patients ne le font pas pour diverses raisons»

rappelle Stéphane Korsia-Meffre. Pour les personnes dites à risque élevé,

lorsqu’il y a eu un cancer de l’intestin dans la famille proche, apparentée de 1er ou 2ème degré, il faut en parler à son médecin, faire le point avec lui et étudier l’éventualité d’un examen coloscopique».

L’annonce de la maladie et le besoin d’informations

53,5% des personnes interrogées ont appris leur diagnostic alors qu’elles étaient seules avec le médecin : 46% sont sous le choc, 40% sont inquiètes et 18% se disent résignées, mais une fois l’annonce passée, 40% déclarent être prêtes à se battre et 24% sont confiantes.

Le besoin d’information est un des points qui ressort le plus de l’enquête. En effet, près d’un patient sur deux (48 %) fait des recherches sur le net.

Internet est la première source d’information, confirme Stéphane Korsia-Meffre, devant le généraliste et ils en sont plutôt contents. Je pense que, globalement, les patients savent faire la différence entre les sites de bonne réputation et ceux de moins bonne réputation».

Les femmes et les actifs rencontrent les plus grandes difficultés

Ces difficultés sont de divers ordres. Ainsi, 1 patient sur 5 est confronté à des problèmes financiers, principalement les femmes (24%) et les moins de 65 ans (31%).

En ce qui concerne l’activité professionnelle, une personne active sur cinq déclare avoir peur de perdre son travail. Par ailleurs, 39% estiment que les séquelles liées à la maladie nuisent à leurs aptitudes à travailler. Sur ce sujet, Stéphane Korsia-Meffre précise ce que France Côlon souhaite faire, à savoir :

accompagner les patients dans le retour au travail, leur donner davantage d’outils : comment en parler au travail, retourner au travail, négocier un mi-temps thérapeutique … Nous pensons que pour les actifs, c’est là où cela coince».

Autre point, les femmes sont plus vulnérables que les hommes. 21% d’entre elles ont recours à un soutien psychologique et 15% aux psychotropes. Stéphane Korsia-Meffre souligne que :

quand on annonce un cancer de l’intestin à une patiente, l’oncologue, le chirurgien parlent du traitement avec un langage qui ne leur parle pas. Elles ont une vision de leur santé beaucoup plus dans la maintien de l’équilibre, l’approche guerrière ou mécanistique ne leur parle pas».

Les femmes ne vivent donc pas la maladie de la même manière que les hommes et sollicitent France Côlon non seulement pour un soutien psychologique mais aussi pour des informations médico-sociales. D’ailleurs Stéphane Korsia-Meffre souligne qu’une brochure destinée aux femmes et faite par des patientes est à l’étude,

afin qu’il y ait un document dans lesquelles elles se reconnaissent.»

La qualité de vie durant la maladie

Dans leur majorité, les patients déclarent ne pas avoir de problèmes relationnels avec leurs proches. Néanmoins, de nouveau, les femmes et les actifs rencontrent davantage de difficultés dans ce domaine. De fait, cette enquête montre de manière significative que la qualité de vie globale des femmes et des personnes de moins de 65 ans est moins bonne que celles des hommes et des patients plus âgés. La diminution de qualité de vie observée est essentiellement due aux problèmes relationnels et à ceux liés à la sexualité.

Concernant les sources de soutien moral, 73% d’entre eux plébiscitent la vie de famille, 52% le cercle amical, mais seulement 31% pratiquent une activité physique ou sportive (alors que celle-ci réduit le risque de récidive de 20 à 30%). L’activité professionnelle apparaît aussi comme une manière de garder le moral ; en effet, 26,5% des personnes interrogées sont actives.

France Côlon interpelle les pouvoirs publics

Pour Stéphane Korsia-Meffre,

les pouvoirs publics ne prennent pas suffisamment à cœur la problématique du dépistage du cancer colorectal. Nous aurions aimé voir des spots déculpabilisants à l’occasion de Mars Bleu, comme celui que Roche a fait l’an dernier. Nous pensons que les gens doivent en parler plus librement. En rire !».

Par ailleurs, l’association souhaiterait que les autorités de santé fassent une campagne d’information nationale sur les signaux d’alerte de la maladie afin que les patients consultent plus rapidement et pour que le cancer soit diagnostiqué à temps. En effet, le manque de connaissances au sujet des symptômes retarde la consultation chez le médecin.

Le cancer colorectal est encore tabou. France Côlon continuera son combat pour promouvoir le dépistage. Rappelons que dépisté à temps, le cancer colorectal se guérit dans plus de 90% des cas contre 50% en cas de dépistage tardif.