Cancer : « J’ai arrêté de prendre mon mari pour un bouc émissaire »

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Cancer : « J’ai arrêté de prendre mon mari pour un bouc émissaire »

Nadine (son prénom a été changé) a affronté un cancer du côlon il y a deux ans. Face au stress, à la douleur, à la colère… elle reconnaît avoir malmené son couple. Et raconte son histoire…

Quand l’annonce m’est tombée dessus, j’ai traversé une phase de colère, d’autant que c’est absurde, mais je ne sais pour quelle raison, j’avais en tête que c’était un cancer réservé aux hommes »,

A l’époque, elle n’a pas pu mettre de mots sur ses sentiments, mais grâce à une analyse, elle a pu comprendre qu’elle en voulait à son époux.

C’est honteux, mais je me disais pourquoi moi et pas lui ? Il réussissait en tout, enchaînait les promotions, affichait une cinquantaine triomphante. J’étais évidemment heureuse pour lui, mais quand mon cancer a été diagnostiqué, ça a été le coup de grâce. Je suis rentrée bien malgré moi dans une logique de rivalité ».

Cette lucidité, elle l’a acquise avec le recul, mais au moment des faits, l’heure n’est pas à la sérénité. Son mari est totalement dépassé par l’annonce, enchaîne les déplacements professionnels, et ne l’accompagne pas autant qu’elle l’aurait voulu à tous ses rendez-vous médicaux.

J’ai mis longtemps à comprendre qu’il regrettait de ne pouvoir être à mes côtés. Qu’il n’était pas en vacances en train de passer du bon temps »

précise Nadine. Le manque d’échanges commence à avoir raison de leur relation. Elle devient agressive, lui jette régulièrement des piques lui reprochant de ne pas être concerné par ce qu’elle vit. Elle lui prête même des maîtresses.
 

 
Plus je l’accusais, plus il se détachait. Il n’avait même pas envie de rentrer dans la polémique. Il préférait se murer dans le silence autant qu’il est très introverti, plutôt que d’avoir à se justifier de ce qu’il ne faisait pas »,

a-t-il fini par lui déclarer plus tard. Nadine et Rémi vont d’incompréhensions en incompréhensions. Pour tenter de la reconquérir, il tente de tout miser sur leur intimité, mais ne réalise pas que la fatigue liée aux traitements et à la maladie empêchent Nadine d’être « portée sur la chose » (pour reprendre sa pudique expression). De son côté, elle ressent une véritable frustration de ne pouvoir le satisfaire :

J’avais le sentiment que cela risquait de le précipiter dans les bras d’une autre. J’ai été jalouse à en crever. Et cette jalousie alimentait mon stress, lequel aggravait ma maladie ».

Puis un jour, elle a une lueur en réalisant qu’il faut qu’ils se fassent tous les deux aider. Ensemble, ils consultent une psychologue de couple. Grâce à cette démarche, elle parvient à mettre des mots sur ses peurs.

Je le prenais clairement pour mon bouc émissaire. Dans la mesure où je tentais de préserver mes enfants, puis mon entourage professionnel après avoir repris le travail (certes à mi-temps thérapeutique), je devais faire bonne figure en permanence. Résultat : je n’ai pas ménagé l’homme qui partageait ma vie. J’avais le sentiment qu’il ne me comprenait pas. Qu’il n’avait pas des paroles justes. Qu’il n’était pas assez présent. Qu’il ne me parlait pas assez. Ou trop. J’ai été infecte avec lui »,

avoue-t-elle avec dépit, tout en déclarant vouloir mettre en garde les autres femmes susceptibles de suivre ses traces. Grâce à l’aide de leur thérapeute, Rémi a quant à lui réalisé qu’il n’avait pas toujours su apporter à sa femme le réconfort nécessaire. Il a tâché d’être plus patient, de s’adapter à ce dont elle avait besoin. De lui déclarer davantage son amour et son soutien.

La seule maladie dont ne peut pas guérir, c’est la maladie de ne pas se sentir aimé »,

conclut Nadine, désormais en rémission et en pleine forme.