Evolution des traitements, immunothérapie, survie des patients…. le professeur Jacques Cadranel, pneumologue émérite, nous livre un témoignage exclusif avec un message clair : si les traitements évoluent dans le bon sens, le mieux, c’est de ne pas fumer.
Quelles sont les différences entre cancer à petites cellules et cancer non à petites cellules ?
Les cellules à l’origine des cancers non à petites cellules sont toutes les cellules du revêtement de l’arbre bronchique et des poumons (cellules épithéliales). En revanche, les cancers à petites cellules naissent de cellules éparpillées tout au long de l’arbre bronchique (cellules neuroendocrines) qui sont très peu nombreuses.
Les cancers non petites cellules représentent 85% des cas, contre 15% pour les cancers à petites cellules. Par ailleurs, pratiquement 100% des cancers à petites cellules sont reliés au tabac alors que jusqu’à 20% des cancers du poumon non à petites cellules ne sont pas reliés au tabac.
Ensuite, les cancers du poumon à petites cellules se déclarent généralement rapidement et sont plutôt responsables de gros ganglions dans le thorax. Les cancers non à petites cellules se déclarent plus lentement et se développent plutôt à la partie périphérique du poumon. Ils sont de ce fait responsables de peu de signes et sont diagnostiqués tardivement.
Aussi, alors qu’on ne le propose qu’exceptionellement pour le cancer à petites cellules, la chirurgie est le traitement privilégié, quand on le peut pour les cancers non à petites cellules (dans environ 40% des cas). Pour finir, aujourd’hui, le cancer à petites cellules a un moins bon pronostic que le cancer non à petites cellules.
On parle peu du tabagisme passif. Les personnes qui en sont victimes sont-elles aussi susceptibles de développer des cancers du poumons. Si oui dans quelles proportions ?
Si l’on sait que le tabagisme passif est toxique, c’est parce que des non fumeurs développent des maladies normalement strictement restreintes aux gens qui fument. L’exposition des enfants au tabagisme passif entraîne un risque accru de mort subite, d’infection respiratoire et d’asthme ainsi qu’un risque de développer une diminution des capacités respiratoires et de bronchites chroniques et de BPCO.
Les adultes exposés au tabac passif ont un risque incontestable, plus important, d’être atteints par un cancer du poumon.
On considère que les personnes exposées au tabagisme passif ont un risque multiplié par 1,20 par rapport aux non exposés (20% de cancers supplémentaires ; plus de 150 nouveaux cas par an en France) ; le tabagisme actif quant à lui augmente de 10 à 20 fois ce risque (1000% de cancers supplémentaires ; plus de 40 000 nouveaux cas par an).
Quels sont les progrès thérapeutiques dans le traitement du cancer du poumon ?
A côté de la chimiothérapie qui concerne encore 80% des malades atteints de cancer du poumon, un premier progrès thérapeutique a consisté en un meilleur ciblage d’une anomalie particulière à l’origine de l’apparition de la cellule cancéreuse.
Plusieurs biomarqueurs ont été identifiés et sont systématiquement recherchés en France dans le cadre du programme INCa (EGFR, ALK, ROS, BRAF, MET, HER2). La présence d’une telle anomalie permet aux malades de recevoir des thérapies ciblées par voie orale.
La deuxième innovation thérapeutique, a été le ciblage non pas de la cellule cancéreuse, mais de son environnement. La première innovation a porté sur la capacité à réduire la vascularisation des tumeurs par des anti-angiogéniques en association à une chimiothérapie conventionnelle. La deuxième innovation consiste à restaurer l’immunité anti-tumorale par l’utilisation des immunothérapies.
L’évolution des traitements a-t-elle permis d’augmenter la survie des patients ?
La moitié des malades ayant une anomalie moléculaire qui n’a pas été identifiée, ou qui n’ont pas reçu le bon traitement en matière de thérapie ciblée, ont une survie de l’ordre de un an. Mais si ces mêmes personnes ont été exposées à un traitement qui cible correctement leur cancer, elles auront des survies très prolongées (supérieures à 3 ou 5 ans chez 50% d’entre elles). Du coté des anti-angiogéniques, le bénéfice n’est pas aussi important, il s’exprime en quelques mois supplémentaires de vie.
L’immunothérapie semble être une véritable source d’espoir. Où en sommes-nous ?
De 20 à 40% des malades qui vont être exposés à ce traitement vont avoir une survie prolongée alors qu’actuellement, ce sont des cancers qui n’ont pas accès à des thérapeutiques ciblées car le plus souvent étant des fumeurs chez qui il n’y a pas de possibilité de thérapies ciblées.
Toutefois, le meilleur traitement contre le cancer du poumon, c’est de ne pas l’avoir. Et pour ne pas l’avoir, il ne faut pas fumer ou arrêter de fumer. J’ajouterai que la meilleure chance pour quelqu’un de vivre longtemps, c’est d’avoir un diagnostic précoce. Cela pose la question du dépistage du cancer du poumon en France à laquelle la Haute Autorité de Santé n’a pas donné un avis favorable.
Par ailleurs, tous ces traitements nouveaux sont aujourd’hui surtout destinés aux patients qui ont des maladies avancées, métastatiques. Ils sont actuellement évalués pour des cancers localisés traités par chirurgie ou radiothérapie pour améliorer le taux de guérison. Enfin, la combinaison de plusieurs traitements pourraient améliorer davantage encore les progrès très importants observés ces dernières années.
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