Gabriella a 40 ans. Depuis qu’elle a douze ans, elle vit ses périodes de règles comme un enfer. Rendez-vous gynécologiques par dizaine, IRM ou encore échographies, elle a mis près de trente ans avant d’être réellement diagnostiquée. Retour sur l’endométriose, une maladie qui touche près d’une femme sur dix en France.
Comment et quand avez-vous été diagnostiqué ?
J’ai été diagnostiquée il y a deux ans par hasard. Depuis toujours, j’ai des règles très douloureuses. J’ai enchaîné les rendez-vous chez les gynécologues, mais personne n’a jamais rien détecté.
Il y a deux ans, pendant une période, je saignais en permanence, ce qui m’a provoqué une anémie. Suite à cela, j’ai fait des tests plus approfondis, dont une échographie pelvienne. Grâce à cela, les médecins ont pu détecter une endométriose située au niveau de l’utérus.
Est-ce que vous considérez les années avant le diagnostic comme un parcours du combattant ?
C’était plus qu’un parcours du combattant : c’était une période de survie où il fallait supporter la douleur tout en se disant que c’était normal. J’ai mis trente ans à être diagnostiquée. Cela a été une réelle errance médicale. Dans l’inconscient collectif, les règles sont liées à la douleur donc, lorsqu’elles se déclenchent, toute femme est censée supporter la souffrance. On m’a souvent dit qu’il suffisait que je prenne des médicaments. Après mon opération, je me suis rendue compte que tout cela était faux. Mes règles n’étaient plus douloureuses et je me suis dit que j’aurais pu vivre autrement depuis très longtemps.
De quelle opération s’agit il ? Qu’est-ce que cela a changé pour vous ?
Tout d’abord, toutes les personnes atteintes d’endométriose ne se font pas opérer et pour celles qui le font, l’acte chirurgical peut varier.
Pour ma part, j’ai été opérée sous coelioscopie. C’est une technique chirurgicale qui permet d’opérer à l’intérieur du ventre en ne faisant que des petites incisions.
Pour ma part, cela a consisté à retirer les adhérences et les kystes que j’avais sur mon utérus, mes trompes ou encore mes ovaires. Certaines se font enlever l’utérus ou les ovaires, ça dépend du stade de l’endométriose. Après cela, pendant six mois, j’ai été sous ménopause artificielle par injection.
Ensuite, il faut normalement suivre un traitement bien spécifique qui permet d’arrêter les règles. Je n’ai pas suivi ce traitement car je voulais avoir des enfants.
Grâce à l’opération, mon état psychologique s’est stabilisé car les douleurs prémenstruelles et les douleurs pendant les menstruations me provoquaient de grandes sautes d’humeurs. J’avais enfin des règles “normales”. C’est à dire que je saignais moins, moins longtemps et je n’avais plus mal.
Est-ce que vous avez fait face à un corps médical compréhensif ?
Mon parcours est un peu particulier. Je viens d’Espagne donc mon suivi médical gynécologique s’est d’abord fait là-bas. Puis en arrivant en France, j’ai vécu dans différentes régions donc cela a été difficile d’être réellement suivi de près. A chaque fois que j’allais voir un ou une gynécologue, je parlais de mes règles douloureuses, mais il n’y a jamais eu d’examens. Le seul que j’ai fait c’était à 16 ans et cette échographie abdominale ne permettait pas de détecter l’endométriose.
Les femmes atteintes d’endométriose ont souvent des problèmes de fertilité? Est-ce que vous pouvez m’en parler ?
Ce sujet est assez compliqué. Il y a des femmes qui savent qu’elles ont une endométriose et ont des enfants et il y a des femmes qui ne savent pas qu’elles ont une endométriose mais qui vont attendre de longues années avant de pouvoir tomber enceintes. Le corps médical n’est pas toujours compréhensif par rapport à cela. Même quand l’endométriose est détectée, ils affirment souvent qu’il faut simplement essayer plus souvent.
Comment arriviez-vous à concilier travail et maladie lors des périodes de crises ?
L’endométriose est très handicapante et il faut beaucoup de courage pour se lever tous les matins pendant la période des règles.
Avant d’être réalisatrice, j’étais cavalière professionnelle. Parfois, j’avais mes règles lors d’un concours ou lors d’une journée où je devais monter quinze chevaux, c’était un enfer.
Pour moi, c’était invraisemblable de ne pas aller travailler, alors je ne me suis jamais mise en arrêt maladie. C’était presque devenu normal d’avoir mal, alors je devais surmonter ça. La réalité c’est que six ou sept jours par mois, vous êtes pliés en quatre, et vous vous bourrez de médicaments très forts. J’ai continué à travailler mais plusieurs fois j’ai fait des malaises et je pouvais avoir des crises de vomissements.
Est-ce que vous trouvez que l’opinion publique est suffisamment sensibilisée au sujet de l’endométriose ?
Le problème c’est que les règles restent très taboues dans notre société et l’endométriose est fondamentalement liée aux règles. Depuis deux ans environ, on entend un peu plus parler de cette maladie, alors qu’à l’époque, ce n’était pas le cas.
Avant, on considérait que c’était une maladie rare. En fait, c’est juste que personne ne faisait les démarches pour la détecter et surtout, personne n’en parlait.
Actuellement, on sait aussi que l’endométriose est peut-être une maladie génétique. A l’époque, si on avait déterminé que ma mère et mes tantes étaient atteintes, on aurait pu identifier le mal plus vite et j’aurais été mieux guidée. C’est une maladie invasive qui évolue dans le temps et qui peut atteindre différents organes. C’est donc une très bonne chose qu’on en parle davantage afin de venir en aide aux jeunes filles et aux femmes atteintes.