L’environnement est considéré par les experts sanitaires comme l’un des principaux déterminants de la santé des populations. Voilà pourquoi, professionnels de santé, chercheurs et décideurs institutionnels travaillent à modifier les comportements, notamment via la prévention.
Cancers, diabète, affections respiratoires… les maladies chroniques sont responsables de plus de 36 millions de décès dans le Monde chaque année. Présentées comme « non transmissibles » – à la différence des maladies infectieuses – elles sont devenues en l’espace d’un siècle la principale cause de mortalité en France. Pour expliquer ce nouveau paradigme, les acteurs de la santé (chercheurs, professionnels de santé, experts sanitaires, épidémiologistes) ont identifié un coupable : l’environnement ! Un mot qui doit être appréhendé au sens large. Pas question de le réduire à la seule pollution atmosphérique.
Derrière l’expression de « facteurs environnementaux », les experts sanitaires considèrent aussi bien l’alimentation que le mode de vie, sans oublier l’environnement physique, biologique, chimique, médical, voire même psychique et social. Pour le dire autrement : le tabagisme régulier, la consommation excessive d’alcool, l’alimentation trop calorique et riche en mauvaises graisses, le manque d’activité physique, la sédentarité…
Tout cela forme l’exposome, une notion à laquelle réfléchissent les scientifiques depuis une quinzaine d’années. Elle désigne l’ensemble des expositions environnementales que l’on subit depuis la conception, avant même sa naissance, jusqu’à la fin de sa vie. Malheureusement, nous n’avons encore qu’une vision partielle de l’influence de cet exposome sur la santé », explique l’épidémiologiste Rémy Slama, sur le site de Santé publique France.
Le rôle majeur joué par ces facteurs externes dans l’apparition et le développement des maladies chroniques est de plus en plus pris en considération. Bon nombre de « décès prématurés » sont liés à ces facteurs environnementaux. À noter, la pollution atmosphérique est également un réel facteur de risque de mortalité, avec plus de décès attribuables aux maladies respiratoires qu’à l’hypercholestérolémie ou à l’obésité.
Lister les facteurs de risque ne constitue pas une finalité en soi. L’intérêt pour la recherche en santé environnementale est davantage d’identifier précisément les molécules responsables, présentes dans les aliments, les pesticides, les carburants, les cosmétiques, les matières plastiques, les peintures, sans oublier la fumée de tabac. Autant de molécules qui perturbent le métabolisme hormonal, d’où leur appellation de perturbateurs endocriniens. D’après les experts, il y en aurait près de 800, impliqués dans le développement de cancers, maladies auto-immunes endocriniennes, pathologies de la thyroïde, troubles du système reproductif, maladies neurodégénératives… On comprend mieux pourquoi derrière les campagnes nationales de sensibilisation en faveur d’une alimentation plus saine, de la pratique sportive, aux enjeux des transitions écologique et climatique, il faut aussi voir une action de santé publique ayant l’ambition de diminuer l’impact des maladies chroniques en France. En matière de risque face aux facteurs environnementaux, l’égalité n’est pas de mise, bien au contraire. D’ailleurs, les professionnels de santé et autres chercheurs n’hésitent pas à parler de « discrimination sociale ».
Précisément parce que les facteurs socio-économiques et éducatifs sont très importants, l’éducation à la santé environnementale dès le plus jeune âge est essentielle. « Nous nous sommes associés au rectorat d’Aix-Marseille avec plus de 500 établissements participants, pour sensibiliser professeurs et élèves dès le primaire. Mais les « acteurs » de santé (élus, agents des collectivités, enseignants, urbanistes, architectes…) sont aussi des cibles essentielles . Enfin, il importe de donner aux professionnels de santé tous les moyens (formation, temps) pour mener une politique de prévention élargie à l’environnement ; ne pas fumer, ne pas manger gras ou sucré est important mais pas suffisant. Notre objectif : moins de malades et de personnes qui souffrent ! À l’image d’Hubert Reeves, nous ne sommes ni optimistes, ni pessimistes, juste déterminés (à agir) ! », explique le Dr Pierre Souvet , co-fondateur de l’Association Santé Environnement France (ASEF), aujourd’hui reconnue d’intérêt général. Il est très engagé pour informer et conseiller le grand public face à l’impact des facteurs environnementaux (notamment les polluants) sur la santé, et s’inscrit dans une logique préventive, à travers ses conférences et publications. « Lorsque nous avons créé l’association il y a plus de 15 ans avec mon confrère, le Dr Patrice Halimi, nous avions un seul objectif : prévenir plutôt que guérir ! Trop d’asthmes, trop de cas de stérilité, trop de cancers, et malheureusement trop de jeunes. Nous voulions anticiper. Nous étions alors les premiers à nous saisir de ces questions de santé-environnement. Jusque-là, les toxicologues s’intéressaient aux doses, aux molécules, aux polluants, mais pas à la vie quotidienne des personnes. Pour prévenir les maladies chroniques, la première chose que l’on peut faire, c’est de s’informer. »
« Ils sont omniprésents dans les produits de consommation courante : boîtes de conserve, mobilier et textiles, crèmes, alimentation transformée ou non etc. Mais aussi dans l’air (certains pesticides ou hydrocarbures aromatiques notamment). Les voies d’absorption sont donc orales, respiratoires ou cutanées. Si vous faites attention, vous diminuerez votre contamination même si le risque zéro contamination n’existe pas », ajoute l’expert. Selon lui, il existe bel et bien des solutions pour se protéger de ces perturbateurs endocriniens.
Limiter la contamination passe d’abord par de l’éducation et de l’information : « dans cette logique, il est pertinent de s’appuyer sur les labels ». Santé Publique France a donné l’alerte dans son rapport ESTEBAN sur la surcontamination des Français (47 % des adultes , 18 % des enfants) en cadmium, un métal lourd cancérigène, notamment pourvoyeur de cancer du pancréas pour lequel la France se situe dans les 10 premières incidences au monde. « Le cadmium se trouve dans le tabac, les coquillages mais surtout dans l’alimentation (via les sols de culture qui reçoivent des engrais phosphatés riches en cadmium). Deux solutions : acheter bio (moins 48% de cadmium selon l’étude Baranski) et réduire sa consommation de produits de panification (pâtes , pain , brioche …) et de pommes de terre ».
Il rappelle que l’OMS estime à 25 % les pathologies liées à l’environnement :
Ce sont essentiellement des maladies chroniques cardio-neurovasculaires et des cancers, bien loin devant les pathologies infectieuses (paludisme, sida etc.). De plus, les troubles de la reproduction, les troubles cognitifs et les maladies métaboliques (obésité, diabète) ont des liens avérés avec l’environnement. Les pollutions modernes (chimiques et de l’air) sont devenues la première cause de mortalité dans le monde (près de 9 millions de décès) devant le tabagisme actif et passif. »
Au regard de ces constats édifiants, la santé environnementale est-elle assez prise en considération dans le cadre des politiques publiques de santé ? « Les 200 plus grandes revues médicales au monde ont récemment lancé un appel sous forme d’alerte à l’OMS, car il existe une urgence sanitaire où changement climatique , perte de biodiversité et pollutions doivent être traités ensemble. Il faut donc décloisonner toutes les politiques de santé pour adopter une vision globale où la santé serait transversale (humaine, animale et végétale) : c’est le concept de la « one health » ! En France la politique en santé environnementale a coûté 6 milliards d’euros (dont 200 millions financés par le ministère de la Santé) pour plus de 310 milliards de dépenses courantes de santé ! Les moyens ne sont donc pas en adéquation avec les enjeux. Il faut donc des décisions politiques collectives fortes mais aussi une action individuelle d’éducation et de prévention à destination des professionnels de santé et d’autres acteurs (urbanistes, élus, enseignants…) », estime Pierre Souvet.
Les aléas météorologiques et climatiques affectent (in)directement la santé, augmentant la morbidité/la mortalité, l’émergence et la propagation de maladies transmissibles (infectieuses) ou non, parfois associées à des urgences sanitaires. Pour autant, il reste difficile d’estimer avec précision l’ampleur des risques sanitaires sensibles au climat. C’est un fait : la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a augmenté ces dernières années, et avec elle la température moyenne sur notre planète ! C’est lié, en grande partie, aux combustibles fossiles utilisés par l’Homme (charbon, gaz et pétrole). Ces augmentations de CO2 et de chaleur moyenne ne sont évidemment pas sans conséquence sur la biodiversité. Ni sur la santé humaine ! Car, au-delà des effets visibles sur les modes de subsistance des populations (sécheresse et manque d’eau potable) – le changement climatique a une incidence sur la disponibilité, la qualité et la diversité des aliments, exacerbant les crises alimentaires et nutritionnelles. Victimes toutes désignées, les habitants des régions tropicales. Des régions où la hausse des températures favorise, par ailleurs, la prolifération de moustiques, lesquels sont vecteurs de maladies et autres infections (paludisme, dengue…). Des températures moyennes croissantes peuvent aussi donner lieu à des épisodes anormaux plus brutaux à l’image de vagues de chaleur (ex. canicule de 2003). C’est du moins ce qu’ont démontré des scientifiques britanniques du Hadley Center for Climate Prediction and Research. Le constat se veut identique en ce qui concerne d’autres phénomènes météorologiques majeurs (précipitations, inondations…). Or, les variations de température comme celles des précipitations favorisent l’émergence et la propagation des maladies à transmission vectorielle. Autant de risques sanitaires sensibles ressentis d’abord par les personnes les plus vulnérables et défavorisées, notamment les femmes, les enfants, les minorités ethniques, les personnes âgées, ou encore les personnes souffrant de comorbidités. Des travaux de recherche datés de 2021 attribuaient ainsi 37 % des décès à la chaleur associée au changement climatique induit par l’homme*. Face un état des lieux des plus préoccupants, l’ambition affichée aujourd’hui est double : atteindre la neutralité carbone (en agissant sur des secteurs d’activité comme l’agriculture, le transport, la production d’énergie et l’habitat) et limiter la hausse de la température générale à 1,5 °C, même si un réchauffement de ce niveau demeure problématique…
*Etude publiée dans Nature Climate Change par des chercheurs London School of Hygiene & Tropical Medecine, mai 2021
M-FR-00012148-1.0 – Établi en août 2024
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