Un nouveau bras, un nouveau foie ou encore un nouvel utérus. Les patients greffés obtiennent bien souvent – en plus d’un nouvel organe – une vie complètement différente de celle qu’ils menaient avant. D’abord utilisées pour sauver des vies, puis pour améliorer les conditions de vie, les greffes sont désormais au service des plus lourds handicaps.
C’est un accident qui fait basculer la vie de Felix Gretarson. En janvier 1998, l’islandais est victime d’un grave accident sur une ligne à haute tension. Le jeune électricien de 26 ans reçoit une décharge de près de 11 000 volts. Ses mains ont brûlé, ses os sont fracturés et certains de ses organes sont touchés. Il passe trois mois dans le coma puis, à son réveil, il est amputé des deux bras le rendant complètement dépendant de l’aide extérieure. Ce n’est que des années plus tard, après avoir reçu deux greffes de foie, qu’il pense à un projet un peu fou : se faire greffer deux bras. Il se rend alors à un congrès à Reykjavik en 2007 pour rencontrer Jean-Michel Dubernard, pionnier mondial de la greffe des mains. Il le convainc de l’aider et entame un long parcours médical en s’installant à Lyon en 2013.
Ce n’est finalement qu’en janvier 2021 que Felix Gretarson – alors âgé de 48 ans – rentre au bloc opératoire à l’hôpital Edouard Herriot de Lyon. L’opération dure près de 15 heures :
L’évolution est très satisfaisante, admet Lionel Badet, chef du service d’urologie et de chirurgie de la transplantation de l’hôpital Edouard Herriot. Les résultats sont incomparables par rapport à ce qu’on avait imaginé. Nous lui avions promis qu’il serait capable d’avoir une flexion de l’avant-bras sur le bras mais là, il peut utiliser ses mains. Il fait du vélo, du badminton, il s’habille tout seul. En bref, ça l’a remis dans une trajectoire et une dynamique d’autonomie. »
Felix Gretarson est évidemment très suivi sur le plan médical car il a fait plusieurs rejets et que pour ce type de transplantation – unique au monde – il est difficile de prédire combien de temps elle restera en place. Lionel Badet a d’ailleurs récemment travaillé sur une greffe tout aussi spectaculaire. Celle du larynx pour une femme de 49 ans nommée Karine.
« Après un arrêt cardiaque, en 1996, des complications liées à son intubation en réanimation avaient engendré, chez elle, une sténose du larynx. Au fil des ans, ce dernier avait fini par totalement se détériorer. Depuis une vingtaine d’années, Karine ne respirait plus que par une trachéotomie, sans possibilité de parler », raconte un communiqué de presse des Hospices Civils de Lyon. L’intervention a duré près de 27 heures cumulés grâce à douze chirurgiens pilotés par le Pr Ceruse des HCL et une cinquantaine de professionnels du CHU de Lyon. L’opération devrait permettre à la patiente de retrouver durablement la parole.
Quelques jours seulement après sa greffe, elle a pu, à nouveau, prononcer quelques mots. Aujourd’hui, elle effectue une rééducation hebdomadaire des cordes vocales », précise également le communiqué.
Ces greffes s’inscrivent dans une évolution par phases successives de l’histoire de la transplantation. D’abord dans les années 50 où les greffes, notamment de reins, permettaient de sauver des vies car les dialyses n’existaient pas. Puis dans les années 60-70 où les greffes permettaient de prolonger l’espérance de vie des patients et d’améliorer leur vie, comme par exemple la greffe de pancréas. Enfin, depuis les années 2000, les greffes permettent de prendre en charge des handicaps majeurs .
Elles ne sauvent pas la vie mais la redonnent dans le sens où ce sont des personnes en mort sociale. Par exemple des patients défigurés ou amputés », explique le chirurgien.
D’autres spécialités ont ensuite pensé que les greffes pourraient avoir un intérêt pour leurs patients. Résultat, il existe désormais des greffes de larynx, d’utérus ou encore de pénis. Ces greffes – très impressionnantes – sont toutefois plus rares et ne doivent pas effacer celles du quotidien, qui permettent également de changer la vie des personnes. 3 525 patients ont obtenu une greffe rénale en 2023 selon l’Agence de biomédecine, 1 343 une greffe hépatique ou encore 298 une greffe pulmonaire.
La greffe n’est pas non plus une pratique acquise et les problèmes que rencontre actuellement l’hôpital public empêchent cet acte médical d’être pratiqué au maximum de ses capacités. En février 2024, plusieurs organisations de médecins et de patients ont publié une tribune dans Le Parisien estimant que « l’activité de transplantation souffre à la fois des maux de l’hôpital et du manque d’application de son statut prioritaire ».
Actuellement, près de 22 000 patients sont en attente d’une greffe d’organe et en 2023, plus de 800 sont morts faute d’avoir été greffés. Le plan Greffe 2022-2026 du ministère de la Santé et des Solidarités parle d’une « priorité nationale » mais les transplantations se heurtent à de nombreux freins comme la difficulté d’accès aux blocs opératoires, des arbitrages complexes de priorisation d’activités au sein des CHU […], un manque criant de personnels soignants et l’absence de fléchage clair des ressources allouées à la greffe. Par cette alerte, soignants et patients appellent à « soutenir activement l’ensemble de la communauté médicale et chirurgicale participant à la filière greffe ». À suivre…
M-FR-00012146-1.0 – Établi en août 2024
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