« L’agressivité n’était pas dirigée contre moi mais contre la maladie »

Cancers
« L’agressivité n’était pas dirigée contre moi mais contre la maladie »

Chirurgiens et soignants sont parfois ébranlés par la stupéfiante rémission d’un patient ou par un raisonnement hors du commun. Parfois, cela impacte leur pratique, voire leur façon de voir la vie. C’est le cas de Daniel Zarca, chirurgien du cancer du sein.

Un jour, il reçoit une jeune femme dans son cabinet. Il diagnostique chez elle un cancer du sein et lui annonce la seule option thérapeutique : une mastectomie. Hostile et fermée, la jeune femme lui adresse une lettre incendiaire l’accusant de vouloir lui enlever le sein pour gagner davantage d’argent. Mortifié par ces propos mensongers et agressifs, il lui écrit à son tour qu’il refuse de la prendre en charge et l’oriente vers un confrère. Mais cette histoire reste gravée dans sa mémoire. « Qui de nous deux avait manqué à l’autre ? La femme blessée et blessante ou le chirurgien sûr de la justesse de ses décisions ? J’aurais dû comprendre qu’elle m’adressait un appel à l’aide, une invitation maladroite à reprendre un dialogue mal engagé, mal préparé. Il aurait fallu la rappeler, la revoir, et non lui écrire », témoigne Daniel Zarca. Il s’est longtemps reproché d’avoir confondu honneur et orgueil.

Huit années plus tard, la même scène se joue avec une autre patiente. Il l’interprète comme la possibilité d’une seconde chance. « J’ai écouté longuement, puis tout expliqué de nouveau. Comme je le fais toujours, j’ai proposé à cette femme de prendre un autre avis », explique-t-il. Verdict : la patiente est revenue très vite, acceptant la mastectomie sans même consulter un autre médecin. « Mes explications et mon écoute l’avaient convaincue. L’agressivité qui avait plané au cours du premier entretien n’était pas dirigée contre moi mais contre la maladie », constate le chirurgien. Canaliser sa violence et l’utiliser pour guérir est une chose saine.

Un autre récit de femme l’a marqué à tout jamais : celui d’une sportive de 30 ans qui avait accepté qu’on lui enlève tout le sein. En pleine chimiothérapie, alors qu’elle n’avait plus de cheveux et un seul sein, elle avait « obligé » (selon ses propres termes) son mari à lui faire l’amour. Ainsi, la sexualité de son couple avait résisté aux épreuves. « Elle avait trouvé les ressources pour ne plus subir le rythme de la maladie mais imposer le sien. Avant de la rencontrer, je me contentais souvent d’être un technicien, avec mes radios, mes marqueurs tumoraux, mes scintigraphies. Aujourd’hui, je laisse toujours une fenêtre ouverte sur le couple. La sexualité ne doit pas être oubliée ou considérée comme accessoire par les cancérologues », conclut Daniel Zarca.

 

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