Le lymphome, un cancer atypique

Le lymphome, un cancer atypique

Philippe Solal Celigny est spécialiste en hématologie et en oncologie médicale, mais aussi directeur de recherche à l’Institut de cancérologie de l’Ouest (ICO). Il a participé au développement de plusieurs médicaments proposés dans le traitement du lymphome. Ses travaux ont été publiés dans diverses revues scientifiques et présentés dans des congrès internationaux. Voix des Patients l’a rencontré.

Pouvez-vous nous présenter le lymphome ?

Le lymphome est un cancer peu connu qui a la spécificité de s’attaquer non pas à un organe en particulier, mais à un système: le système lymphatique. Celui-ci rassemble tous les organes (la rate, le thymus, la moelle osseuse, les ganglions lymphatiques- où se trouve une forte quantité de variante de globules blancs, « les lymphocytes ». Il existe une trentaine de lymphomes différents. Pour en citer quelques-uns des plus répandus, citons le lymphome diffus à grandes cellules, le lymphome folliculaire, le lymphome du manteau, le lymphome de la zone marginale ou encore le lymphome de Hodkin. Au sein de cette trentaine de variantes, nous distinguons classiquement deux catégories de lymphomes : les indolents (à évolution spontanément lente) et les agressifs (à évolution spontanément rapide).

Quels en sont les symptômes?

Les symptômes du lymphome sont polymorphes et peu spécifiques, ce qui explique les difficultés à poser un diagnostic rapide. La caractéristique la plus répandue (elle concerne environ deux tiers des patients) est la présence d’un ganglion. Ce dernier évolue parfois très lentement et peut parfois même régresser et se re-développer plus tard, ce qui est source de confusion dans l’établissement d’un diagnostic. Les autres symptômes, comme la perte de poids ou la fièvre, sont peu spécifiques. On comprend donc facilement qu’un médecin généraliste, qui ne rencontrera en moyenne qu’un cas de lymphome tous les trois ans dans sa carrière, risque de ne pas être alerté face à ces symptômes. C’est au final leur combinaison et leur persistance inexpliquée qui va conduire à une biopsie permettant un diagnostic définitif.

A vous entendre, on comprend donc que le lymphome est un cancer délicat à diagnostiquer et finalement mal connu ?

En effet! Il est fréquent de rencontrer des patients qui se font des idées fausses sur cette maladie. Sans doute parce que la connaissance du grand public sur ce cancer est très limitée, mais aussi parce que circulent encore des notions obsolètes. Prenons deux exemples. Historiquement, il est vrai que l’on dissociait deux catégories de lymphomes : les lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens, mais cette opposition est aujourd’hui dépassée… et fausse! Or elle est toujours véhiculée, notamment sur internet. Autre confusion : quand on annonce à un patient qu’il devra recourir à une chimiothérapie, il n’est pas rare qu’il s’imagine devoir suivre le même parcours qu’une patiente atteinte d’un cancer du sein par exemple. Pourtant, le terme de chimiothérapie recouvre des réalités très différentes d’un cancer à l’autre. Autrement dit, chaque cancer a sa propre chimiothérapie. Il convient donc de parler et d’échanger au maximum avec son médecin.

Où en sont les traitements et la recherche sur le lymphome?

Il y a eu de très grandes avancées. Pour rappel, la première chimiothérapie a eu lieu en 1975. Dans les années 2000, les traitements par immunothérapie se sont considérablement développés, grâce aux anticorps monoclonaux. Depuis 2012-2013, nous assistons à l’apparition de thérapies ciblées, qui dans le cas du lymphome, attaquent la cellule lymphomateuse au niveau de ses caractéristiques propres. Et si nous arrivons aujourd’hui à guérir entre 50 et 70% des lymphomes agressifs et la survie des malades atteints de lymphomes indolents (malgré la possibilité de rechutes) est proche de la survie d’un sujet indemne. Nous ne pouvons qu’espérer améliorer encore ces résultats.