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Pas besoin de parler pour comprendre la souffrance

Annie Bisseret, infirmière en chirurgie et sénologie à l’Institut Curie à Paris, raconte à quel point sa vision du monde est impactée par les rencontres avec ses patientes.

« Toutes m’ont beaucoup appris. Toutes les douleurs – exprimées ou pas – m’ont transformée, imperceptiblement. Au début de ma vie d’infirmière, j’imaginais qu’il suffisait de savoir poser rapidement et précisément une perfusion pour être une bonne professionnelle », raconte Annie Bisseret, infirmière en chirurgie et sénologie à l’Institut Curie à Paris. Avec l’expérience, elle a appris que cela ne suffisait pas. Qu’il fallait savoir prendre le temps : « cela m’a permis de déceler chez ces femmes des détails qui jusque-là paraissaient insignifiants. »

Elle évoque notamment le cas d’une jeune femme, « crevant de solitude », une nuit, dans son lit. Elle ne disant rien, mais le lendemain, alors qu’elle commençait sa chimiothérapie, Annie s’ est assise à ses côtés, et lui a tenu la main. « J’ai compris. Je n’ai pas fait de piqûre, je n’ai pas donné de cachet, j’étais là, et j’aurais pu être à sa place. Elle savait que je savais… », confie-t-elle. Il n’est pas toujours besoin de paroles pour se comprendre. Des regards et des attentions suffisent, parfois plus forts que les mots!

Une autre patiente de 46 ans l’a aussi beaucoup marqué. Elle venait de subir une chirurgie après l’ablation complète du sein. « Elle m’a appelée plusieurs fois pour me dire qu’elle avait une cloque au niveau de son pansement. Elle focalisait toute sa détresse sur un détail dérisoire », analyse Annie, pour laquelle, la douleur d’un sein n’est presque rien quand dans une tempête sévit dans une tête. « Comme en sénologie, ces petits bobos sont très importants, car ils permettent de ne pas penser à sa trop grande souffrance », explique-t-elle.

L’expérience professionnelle de cette femme a profondément impacté sa propre vie personnelle. Ainsi, ses propres fils n’ont jamais eu le droit de se plaindre pour des broutilles, car elle avait toujours en toile de fond la détresse « véritable » à l’hôpital. Et de conclure : « je suis lourde du poids de l’avenir de ces femmes, je sais que pour certaines, le parcours sera difficile en raison de leur maladie et de ce que je comprends d’elles. »

 

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