Système de santé

Tout savoir sur la préservation de fertilité

Gynécologue spécialisée en fertilité et Aide Médicale à la Procréation à Paris et à l’Hôpital Américain, le Dr. Julie Labrosse aide des femmes à assouvir leur rêve de devenir maman. Elle explique le sujet de la préservation ovocytaire, qui n’est plus réservée aux seules indications médicales.

On sait que les femmes concernées par l’endométriose peuvent être concernées par cette préservation de fertilité. Est-ce qu’il y a d’autres cas dans lesquelles cela a du sens d’y recourir ?

Il faut distinguer les préservations de fertilité pour indication médicale de celles pour indication dite « sociétale ».

L’endométriose fait en effet partie des indications médicales de préservation de la fertilité, car son impact négatif sur la fertilité est connu depuis longtemps maintenant. Parmi les autres indications médicales, il y a également les cas d’insuffisance ovarienne prématurée qui concerne les femmes qui ont des réserves ovariennes anormalement basses pour leur âge, en raison d’anomalies génétiques ou de maladies auto-immunes par exemple. La question de préserver sa fertilité se pose aussi dans le cadre de traitements pouvant impacter la fertilité (chimiothérapies ; radiothérapies ou thérapies ciblées), ou dans le cadre d’antécédents médicaux ou de chirurgies pouvant impacter la réserve ovarienne.

Avant la loi de bioéthique, la préservation de la fertilité ne pouvait se faire que sur indication médicale, alors que depuis 2020 , cela a été étendu. Est-ce que cela signifie qu’on peut y accéder pour des raisons de confort ?

Dans le cas des indications médicales, la congélation d’ovocytes est réalisée si elle paraît pertinente, dans une logique de rapport bénéfice/risque.

Pour les indications non-médicales, toute femme qui le souhaite peut congeler ses ovocytes quelle que soit sa situation (célibataire, en couple, avec ou sans enfants), sous réserve d’avoir entre 29 et 37 ans.

Notez que quelle que soit l’indication, la démarche est prise en charge par la Sécurité Sociale.

Cette extension de la préservation de la fertilité hors indication médicale vous paraît-elle une bonne chose ?

Oui, car parce qu’elles font des études plus longues et que la société évolue, les femmes ont des enfants de plus en plus tard. L’âge de la mère au premier enfant augmente dans tous les pays occidentaux. Autoriser la préservation d’ovocytes hors indication médicale est donc une avancée, répondant aux besoins d’une société en mutation. Attention toutefois, car j’explique toujours à mes patientes que congeler ses ovocytes ne représente pas une garantie absolue de grossesse future car il y a beaucoup de pertes à chaque étape du processus. Il est également très probable que la plupart des patientes n’utiliseront pas leurs ovocytes congelés, et obtiendront une grossesse naturellement.

Ces femmes sont souvent en grande détresse pour celles qui ont un vrai désir d’enfant qu’elles ne parviennent pas à assouvir. Comment cela se traduit dans les consultations et comment les accompagner ?

Oui, tout à fait, la fertilité est un sujet très sensible. Il est tout aussi important pour moi d’accompagner mes patients tant sur le plan médical que psychologique. Les femmes que je reçois en consultation m’interrogent sur leur fertilité, mais me parlent aussi beaucoup de leur parcours de vie qui les a menés à ces questionnements. Je vois aussi des couples avec un parcours d’infertilité, parfois long, qui se sentent en échec devant l’absence de grossesse. Mon objectif est donc une prise en charge médicale et un accompagnement optimal.

Parler des différentes possibilités pour l’avenir est encourageant. Par exemple, pour les patientes jeunes atteintes d’un cancer, ces discussions sur la fertilité sont bénéfiques car elles permettent de se projeter dans l’après traitement.

Les personnes qui, pendant la guerre, en camp de concentration, arrivaient à se projeter dans un avenir et à s’imaginer par exemple rejouer du piano ont eu plus de force pour survivre. Finalement, le mécanisme est éminemment psychologique…

Absolument. Je remarque aussi lors de mes consultations qu’aborder les questions de fertilité et les différentes options de prise en charge aide les femmes atteintes d’endométriose de se rassurer et de mieux appréhender la maladie.

Est-ce que plus les ovocytes sont congelés longtemps, plus il y a une déperdition de chance ?

A priori il n’y a pas d’impact délétère de la durée de congélation des ovocytes et/ou embryons sur les chances de grossesse, mais il nous manque encore du recul sur ces données.

Avant de congeler leurs ovocytes, les femmes doivent subir une stimulation ovarienne ?

Exactement. C’est le même principe de traitement qu’une FIV, c’est-à-dire qu’on va stimuler les ovaires par des injections pour faire pousser un maximum de follicules. Des contrôles réguliers par prise de sang et échographie permettent de déterminer à quel moment un maximum de follicules sont mûrs, et c‘est alors qu’on déclenche l’ovulation. On procède ensuite à une ponction. Alors que pour une FIV, les ovules sont mis en fécondation avec du sperme pour créer des embryons, dans le cas d’une démarche de préservation, à l’issue de la ponction, les ovocytes vont être congelés.

Pour celles qui ne sont pas en couple, et qui vont faire appel à un donneur, le parcours de la combattante ne s’arrête pas là…

Tout à fait ! En France, les femmes célibataires ou couples de femmes relevant d’un donneur doivent s’inscrire dans un des CECOS, organisme régulant ces demandes et les dons. Il faut savoir que le processus est malheureusement long, dû à un manque de moyens humains et financiers qui est en inadéquation devant l’explosion des demandes depuis la nouvelle loi de bioéthique.

Au sein des différentes sociétés savantes de fertilité dont vous faites partie, vous avez un rôle de porte-parole. Quels sont les messages que vous portez concernant la préservation de fertilité ?

Mon premier message est celui de l’information. Certaines femmes sont peu renseignées sur le déclin de la réserve ovarienne, alors que c’est très important de savoir où en est afin d’avoir la meilleure prise en charge en fonction d’où on en est dans sa vie. Aussi surprenant que cela puisse paraître, certaines femmes de plus de 40 ans sont étonnées d’entendre que leur fertilité est basse, et regrettent de ne pas en avoir eu conscience avant.
L’autre problématique, c’est la difficulté d’accès. C’est ce qui explique que, faute de places et à cause de délais d’attente terriblement longs, beaucoup de personnes vont à l’étranger. En France, l’acte de ponction et de congélation n’est autorisé que dans certains centres publics. Je milite donc pour une ouverture de la congélation ovocytaire à tous les centres, afin de répondre à la demande des femmes. Il est aberrant que la loi les autorise à congeler leurs ovules, mais que sur le terrain, tout soit plus compliqué, alors que l’on sait que le temps qui passe est un critère majeur en fertilité.

M-FR-00009617-1.0 – Établi en septembre 2023

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