Carole Robert, Présidente de l’Association Fibromyalgie France, a réussi son défi de parcourir la Vélodyssée entre La Rochelle et Bayonne en vélo électrique, seule, et cela malgré sa santé précaire (une fibromyalgie et d’autres pathologies). Partie de la Rochelle fin juillet, elle a rejoint Bayonne à la fin de l’été.
Comment avez-vous appréhendé cette «aventure» ?
Très vite, je me suis mise en mode « robot ». Au 3ème jour, j’ai commencé à fonctionner et sans trop penser car c’était assez difficile.
Il n’était pas question que j’abandonne donc je me disais «tu dois pédaler, tu l’as voulu, tu es là, ce n’est pas facile mais il n’y a pas de raison que cela ne se passe pas bien».
Je crois que j’ai effacé toute possibilité pour mon cerveau de recevoir des informations négatives. J’avais un vélo qui marquait les kilomètres cumulés et donc j’ai fait au total 655 kilomètres avec une moyenne de 30 km par jour. Il y a des jours où j’en faisais 15 et d’autres où j’en faisais 60-70.
Où dormiez-vous ? Aviez-vous organisé votre hébergement ?
L’hébergement se faisait à la carte, car réserver une place dans un camping demande des frais supplémentaires. Tous les jours, je devais trouver un nouveau camping et c’est là où réside la difficulté. Il est difficile, même pour une personne seule avec une petite tente, de trouver une place dans un camping au mois d’Août, et cela même dans des campings retirés dans la campagne.
Tous les jours, c’était donc un stress pour trouver un endroit où dormir. Une autre contrainte au quotidien était de monter la tente, même si c’était une petite tente.
J’arrivais tellement fatiguée le soir que je n’arrivais pas à la monter, ou tout du moins avec beaucoup de difficultés. Beaucoup de gens m’ont aidée au début. J’ai beaucoup apprécié la gentillesse de leurs démarches. Tous les matins, je démontais mon matériel, ce qui est encore plus fatiguant que de le monter. Je partais déjà épuisée le matin.
Parlez nous de vos rencontres durant ce périple …
J’ai été très surprise, en fait. J’avais dans mon dos notre mascotte, le nounours Dr Bobo et puis une adhérente m’avait gentiment fait un panneau avec « La Rochelle-Bayonne – fibromyalgie, justement … parlons en ».
J’ai laissé l’initiative aux personnes de venir me voir et j’ai fait des rencontres vraiment surprenantes. Des gens me déposaient le petit déjeuner le matin devant ma tente ou m’apportaient un repas complet pour venir parler avec moi, c’était vraiment très touchant. Je sentais des gens en vacances, disponibles et qui avaient envie de savoir. Cela a duré tout le long du voyage.
Ce sont les enfants qui étaient souvent les intermédiaires car cela les intriguait de voir une grand-mère avec un nounours dans son dos ! Ils venaient me voir en disant « ma maman n’ose pas demander, qu’est-ce que c’est la fibromyalgie ? ».
Ensuite, je suis allée spontanément vers les gens quand j’ai pris plus d’assurance, je parlais avec eux, je leur expliquais. J’avais fait une petite carte d’un format carte de visite avec sur le recto le défi et au verso, ce qu’était la fibromyalgie. J’avais aussi ajouté un rapide descriptif de notre association.
Je leur expliquais et ils mettaient la petite carte dans leur portefeuille. Au début, j’ai rencontré beaucoup de personnes qui connaissaient une personne fibromyalgique dans leur environnement mais je pense que les gens étaient très discrets. Ce qui les étonnait le plus, c’était mon âge, mon état de santé, et le fait d’être seule. J’ai également rencontré des médecins, des infirmières… qui ont ainsi entendu parler de la fibromyalgie autrement que dans leurs cabinets ou à l’hôpital. Ils écoutaient différemment.
Quels étaient les risques pour vous ? Vous saviez que vous deviez être très prudente ?
Ce qui était un peu inquiétant, c’est que la piste cyclable était loin de tout, on est vraiment isolé dans la forêt. Même si une départementale est proche, on ne peut pas quitter la forêt comme ça, il n’y a pas toujours de route proche et on se retrouve devant des dunes parfois très hautes.
Le risque était d’avoir un problème et des secours qui n’arrivent pas assez vite. Mais j’y ai très peu pensé.
J’étais parfaitement consciente de prendre des risques mais il y a possibilité de joindre médecins, Samu, le 15 ou le 112. Je sais me faire aider, je n’étais pas inquiète. Je connais très bien mon corps et ses failles. Ainsi, j’ai dû m’arrêter 3 fois trois jours chez des adhérents qui m’ont gentiment accueillie, ou dans des campings, parce que j’étais trop fatiguée. Je me reposais alors à fond. En repos absolu, je me mettais à l’ombre et je ne bougeais plus. Je sentais que la limite était atteinte. Quant à la douleur, j’ai préféré ne pas l’écouter mais j’avais terriblement mal aux jambes la nuit.
Qu’est-ce qui vous a permis de tenir ?
Je pense que je suis extrêmement positive, je ne laisse pas rentrer les pensées négatives dans ma tête, je les chasse très très vite. J’ai ce caractère heureux qui surprend beaucoup de gens et que j’ai toujours eu. Tout le long de la route, j’ai rencontré des gens adorables et en arrivant à Bayonne, j’ai été rattrapée par un jeune homme de vingt ans sur son vélo qui finissait également la Vélodyssée et qui m’a accompagnée jusqu’à la gare. Une délicate attention… Oui, j’ai rencontré beaucoup de gens bienveillants.
Comment s’est passé votre retour à la maison ?
Vous savez, j’ai encore beaucoup de mal à analyser la situation. Je sais que j’ai vécu cela, que je n’ai pas perdu le moral, que j’ai fait de belles rencontres et que j’ai été bien accueillie par les gens.
Le retour a été difficile. J’ai dormi 7 jours d’affilée, j’étais anéantie de fatigue. Ensuite, pendant deux semaines, j’ai eu beaucoup de mal à me relever, à être active normalement.
Mais je suis partie avec le sentiment que je n’avais rien à prouver, et surtout pas en pensant que les fibromyalgiques peuvent ou doivent faire cela. Ce défi est très individuel et je l’ai fait tout simplement parce que j’en avais envie et voulais me sentir vivante !
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