On pourrait penser que quand on est chez soi, on prend davantage soin de soi. Pas du tout ! Depuis la crise sanitaire, le télétravail s’est largement démocratisé et avec, les mauvaises habitudes alimentaires. Manger devant son écran, grignoter ou encore faire des pauses plus courtes. Les conséquences de ces comportements peuvent impacter la santé des salariés, notamment ceux atteints par une maladie chronique.
Les Français en télétravail mangent moins équilibré, plus vite et grignotent davantage, succombant à la tendance du « snacking ». C’est le constat d’une étude publiée en décembre 2022 et menée par le Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie (Crédoc), à la demande de l’institut Danone. Les chercheurs ont interrogé 621 salariés en télétravail et ont observé plusieurs comportements alimentaires problématiques comme une surconsommation des produits sucrés. Notamment le chocolat ! Par ailleurs, ils ont constaté que le grignotage augmente de 8 % en télétravail, avec une forte hausse de la consommation de chocolat (+22 %). J’observe de plus en plus ces comportements chez mes patients. Certains vont avoir une irrépressible envie de sucre, d’autres sont touchés par de l’hyperphagie et vont manger en très grosse quantité », détaille Isabelle Deboves, diététicienne en région parisienne. Sans parler du fait que les repas sont beaucoup moins variés quand on mange chez soi qu’à l’extérieur. « Au sein de la cantine de mon entreprise, je peux choisir des viandes, des poissons, des légumes, des salades… Mon assiette est colorée. » Chez moi, c’est souvent pâtes et omelette car je n’ai pas le temps de cuisiner, ni de faire les courses », regrette Lisa, cadre dans une grande banque. Le télétravail est souvent synonyme de simplification de l’alimentation.
Trouver un rythme
Le télétravail perturbe toutes les frontières entre monde professionnel et personnel. Travailler depuis chez soi peut être épuisant si l’on a un voisin bruyant, un bureau mal adapté ou un appartement trop petit. « Le salarié va manger sur son canapé à la hâte ou sur le coin d’un bureau sans prendre une vraie pause », détaille la diététicienne. Ils ont souvent du mal à trouver un rythme. Et d’ajouter : certaines personnes en télétravail vont sauter des repas ou ne pas manger à des heures fixes et régulières. Cela peut mener à une désynchronisation de leur horloge interne et donc à une mauvaise hygiène de vie. » Si ces comportements sont problématiques chez des personnes en bonne santé, ils le sont davantage encore pour celles atteintes d’une maladie chronique. En effet, l’alimentation joue un rôle essentiel dans la gestion de la pathologie. Dans l’enquête citée plus haut, 72 % des personnes interrogées disent manger seules. Résultat : les repas sont plus courts. Ils durent en moyenne moins de 20 minutes pour 38 % des salariés de l’étude. Ce comportement est parfois lié à la difficulté à déconnecter. Manger tout en regardant son écran ou en participant à un appel teams, ce n’est pas bon pour le corps et la santé mentale », analyse Isabelle Deboves. Elle évoque même une « hyperconnexion » du salarié en télétravail. A ses yeux, « cette attitude provoque beaucoup de stress et peut potentiellement mener à des troubles du comportement alimentaire. » Un employé qui se rend sur le site de son entreprise se lève habituellement à heure fixe, prend les transports en commun, marche dans les couloirs, monte et descend des escaliers… C’est tout le contraire pour un salarié en télétravail. « Le fait de rester à la maison va générer ce côté cocon : on sort moins et on voit moins les autres », explique-t-elle. Au-delà de l’aspect « alimentaire », la sociabilité en prend un coup et isole les salariés. Ceux qui étaient déjà isolés en raison de leur maladie sont encore plus écartés, avec un risque de dépression accru. De plus en plus d’entreprises considèrent donc que c’est leur responsabilité et estiment que l’incitation au télétravail doit s’accompagner de prévention auprès des salariés.
Des tendances qui doivent être surveillées
Il faut reconnaître que la généralisation du télétravail bouleverse les organisations, particulièrement en France où cette pratique était très peu répandue avant la pandémie de Covid-19. « Elle affecte à la fois l’organisation de la vie en entreprise et la vie personnelle des travailleurs concernés. Un des grands enseignements de l’étude est de faire la preuve de son impact sur les comportements alimentaires des salariés interrogés, et donc potentiellement sur leur santé. Il importe aujourd’hui de poursuivre les efforts de création de données pour documenter le phénomène et son évolution », estime Marianne Bléhaut, Directrice du pôle Data et Economie du CRÉDOC. D’où l’importance d’adapter les habitudes et les styles de vie, pour préserver sa santé !
M-FR-00010607-1.0 – Établi en janvier 2024