Gaëlle a toujours senti qu’il y avait chez elle quelque chose de différent des autres. Elle était toujours très fatiguée, mais les gens avaient tendance à penser que c’était « dans sa tête ». Elle a vécu des périodes compliquées, avec beaucoup de remises en question. Jusqu’à ce que son syndrome d’Ehlers Danlos soit officiellement reconnu. Récit d’une battante !
Récemment, Gaëlle a passé quelques semaines dans un service de néphrologie. Une conséquence de son Syndrome d’Ehlers Danlos (SED). « Je suis régulièrement sujette à des calculs rénaux, mais j’ai l’habitude d’une vie un peu chaotique », raconte-t-elle.
Des difficultés en cascade…
C’est dans l’enfance que les problèmes ont commencé : « j’ai marché tard, j’avais des bleus spontanés que l’on ne parvenait pas à expliquer. Ma maman avait d’ailleurs été convoquée en maternelle pour suspicion de maltraitance ». A cela, s’est ajouté une légère incontinence urinaire qui a duré jusqu’à l’âge de 10 ans. À l’adolescence, la jeune fille a commencé à enchaîner les problèmes intestinaux, mais aussi les entorses : « j’ai eu des dizaines de plâtres ». A partir de 26 ans, son épaule devient très douloureuse : les médecins ont mis cela sur le compte du travail, sachant que j’étais assistante maternelle et qu’il m’arrivait de porter des chaises de cantine pour les mettre sur les tables ».
… et des doutes sur un possible SED
Elle est placée en arrêt de travail et les professionnels de santé constatent qu’un ligament est rompu. « Je suis allée consulter l’un des meilleurs chirurgiens de Caen. Il m’a demandé si j’avais d’autres douleurs, et j’ai répondu : oui, partout. Quand on a toujours eu mal, on a l’impression que c’est normal, et on ne se pose pas la question », explique Gaëlle. « Si c’est ce que je pense, je ne vous opère pas parce que ça n’apportera pas satisfaction à vos douleurs », a déclaré le médecin. Quand Gaëlle lui a demandé s’il pensait au syndrome D’ehlers Danlos, il a répondu par l’affirmative. Elle avait lu des informations sur cette maladie, et s’était totalement reconnue dans les symptômes évoqués. « Quand je suis sortie de cet entretien, je me rappelle être rentrée dans la voiture de mon père complètement dépitée et avoir pleuré. Je m’étais imaginée qu’il allait m’opérer et que ma vie allait reprendre comme avant. S’il m’avait opéré, j’aurais sûrement perdu beaucoup de mobilité. J’aurais encore plus de douleur donc je le remercie beaucoup ».
Enceinte malgré tout
Gaëlle tombe enceinte, mais fait des pics de fièvre à 40°. On l’envoie en médecine interne, sachant que sa demi-sœur est née avec une spondylarthrite ankylosante. « Ils ont fait toutes les recherches des maladies inflammatoires qui sont ressorties négatives. Ils m’ont suggéré de rentrer chez moi, en m’expliquant qu’ils allaient reprogrammer une hospitalisation en médecine interne pour poursuivre les explorations », souligne la jeune femme.
Toutes les analyses partent dans un service de génétique et au terme de 5 mois de grossesse, elle retourne consulter. C’est là qu’on lui confirme pour la première fois officiellement le syndrome dont elle souffre.
La confirmation du syndrome
« Après l’annonce, on m’a laissé avec ça. J’ai dû aller au centre antidouleur, sachant qu’il n’y avait pas vraiment de solution pour calmer mon mal », précise-t-elle. Si la grossesse se déroule plutôt bien, rapidement, elle ne peut plus marcher et se retrouve en fauteuil roulant. Elle ne peut plus sortir de chez elle si elle n’est pas accompagnée. « Mon conjoint à l’époque travaillait beaucoup, donc j’étais très seule. Mon père m’a beaucoup aidée », détaille Gaëlle.
Pas facile pour cette jeune maman, qui a plus que jamais besoin de ses jambes. J’ai eu le sentiment que le monde s’écroulait sous mes pieds. En effet, par le passé j’étais sportive et faisais de l’athlétisme. J’étais très mal à la fois physiquement et psychologiquement », raconte-t-elle.
Se rapprocher d’autres patients est essentiel
Mais Gaëlle est une battante. Et l’amour maternel la stimule. Elle fait des recherches, et découvre l’association « SED in France » qui l’a énormément aidée. « Ils m’ont notamment accompagnée pour faire reconnaître le syndrome auprès de la sécurité sociale. Pour cela, je suis allée dans un centre spécialisé, qui a bien confirmé le diagnostic », avoue-t-elle. Elle confesse que souvent, les patients font face à l’incompréhension de l’entourage parce qu’ils ont l’air bien en apparence. Rappelons que c’est une maladie invisible donc, « la douleur peut à la limite se lire un peu sur le visage, avec des cernes ou des traits crispés. Mais globalement, les gens ne réalisent pas. D’où l’intérêt de se rapprocher d’associations et de parler, parce qu’entre nous on se comprend. Je me suis fait énormément d’amis grâce à l’association », souligne Gaëlle.
L’importance de se prendre en main…
Gaëlle a désormais 34 ans. Déni, colère… elle est passée par toutes les phases. Ces deux dernières années, ont été marquées par un état de fragilité (problèmes de malabsorption, péricardite…), mais elle bénéficie désormais de séances de kiné une à deux fois par semaine, en balnéothérapie ou en salle. « J’ai un concentrateur à oxygène à la maison et on adapte des vêtements compressifs sur mesure. Des traitements m’aident à apaiser mes muscles, car avec le syndrome, ils travaillent toujours, même quand je dors. En raison des contractions, les patients atteints de SED peuvent être pris de tremblements impossibles à contrôler », ajoute-t-elle. Elle précise que ces tremblements sont dûs à un trouble du mouvement induit par un dysfonctionnement du système nerveux central. Avec cette maladie, il lui faut tout anticiper car il y a des jours avec et des jours sans. « Il arrive qu’à 10h, je me sente en pleine forme et puis à 12h, je n’ai plus d’énergie du tout ». Son conseil aux autres patients : faire en sorte que son cerveau se focalise sur autre chose pour oublier la douleur.
… avec pour objectif d’aller mieux
« La mise en invalidité depuis mai 2022 a l’âge de 33 ans a été un coup de massue. J’adorais mon métier mais quand on se retrouve seule avec son enfant et qu’on a déjà du mal à se gérer soi-même, il devient compliqué de s’occuper d’autres jeunes », déclare-t-elle. Elle a réussi à retravailler un petit peu grâce à un petit CDD de remplacement en tant qu’ assistante médicale. Psychologiquement, cela m’a fait énormément de bien. Mais je vois bien que je suis freinée par mes capacités motrices et c’est frustrant. On a envie de faire plein de choses mais on ne peut pas », assume-t-elle. Gaëlle s’est remise à dessiner. Surtout, elle a démarré un projet de recueil, qu’elle espère un jour pouvoir publier !
M-FR-00010600-1.0 – Établi en janvier 2024