Eric Charles Antoine est oncologue et membre du comité de pilotage de l’enquête Calista, menée en 2012 sur le thème du maintien à l’emploi des femmes atteintes du cancer du sein. Voix des Patients a voulu faire le point sur ce sujet avec lui.
Quelle est la position du corps médical sur la question du maintien à l’emploi des patientes atteintes de cancer du sein ?
Nous n’avons pas de position sur ce sujet, mais plutôt un devoir d’information et de proposition. Pour les patientes, poursuivre leur activité professionnelle est non seulement un choix qu’elles peuvent faire, mais aussi un droit.
Cette décision leur appartient et il est important de le dire. Notre rôle est donc de savoir écouter leurs voeux et de leur donner toutes les informations et conseils dont nous disposons.
Notre discours doit être personnalisé, il vaut viser le « sur-mesure » en fonction de chaque patiente. Et n’oublions pas qu’aucun choix n’est exclusif ni définitif: une femme peut décider de continuer à travailler et revenir sur sa décision quelques temps plus tard et inversement. Nous devons l’accompagner, sans position dogmatique.
Quelles sont les principales motivations de celles qui décident de continuer à travailler ?
Pour les femmes salariées, en CDI, qui bénéficient d’une bonne protection sociale, ce qui ressort de l’étude Calista, comme des entretiens que j’ai avec mes patientes, est que plus elles sont satisfaites de leur activité professionnelle, plus elles veulent la poursuivre. Ce qu’elles soulignent avant tout est l’épanouissement et le sens qu’elles en retirent. On peut alors parler d’une réelle motivation professionnelle.
En revanche, pour les femmes qui ont un statut plus précaire, pour celles qui travaillent à leur compte ou qui sont en CDD, la question du choix se pose dans d’autres termes, tout simplement parce qu’elles ne bénéficient pas de la même protection. Quand elles décident de continuer à travailler, c’est souvent pour répondre à une nécessité financière, leur choix est alors essentiellement financier et contraint.
Dans les faits, combien de femmes maintiennent leur activité professionnelles ?
L’étude révèle qu’un quart des femmes en activité souhaitent le rester, et que seulement 31% de ces femmes y parviennent sans interruption.
La principale raison qui les conduit à revoir leur choix est la trop grande fatigue qu’elles ressentent lors des traitements.
Pour celles qui continuent à travailler, avec quelles principales difficultés doivent-elles apprendre à composer ?
La principale difficulté qu’elles rencontrent est la fatigue chronique, liée aux traitements. Cette fatigue est non seulement présente lors de la période des traitements, mais aussi après, jusqu’à deux ou trois ans. L’autre difficulté dont elles font beaucoup écho est le sentiment qu’elles ont de voir leurs performances intellectuelles diminuer.
Mais elles doivent garder à l’esprit que cette baisse de performance n’est pas durable dans le temps et très dépendante des traitements. Ces effets secondaires sont normaux, il ne faut pas s’affoler, et surtout ne pas tomber dans le piège d’un culte de la performance déplacé qui voudrait que, même malade, une femme doit être une superwoman !