Journée mondiale sans tabac : 3 questions au Dr Anne-Marie Ruppert, tabacologue

Journée mondiale sans tabac : 3 questions au Dr Anne-Marie Ruppert, tabacologue

70 000. C’est le nombre de personnes qui décèdent à cause du tabac, chaque année, en France. La Journée mondiale sans tabac, qui se tient le 31 mai, est d’une importance capitale car il est nécessaire de rappeler sans cesse la nocivité de la cigarette et les bienfaits de l’arrêt de celle-ci.

A l’occasion de cet événement, Voix des Patients a posé trois questions au Dr Anne-Marie Ruppert, tabacologue à l’hôpital Tenon, à Paris.

 

Quelle est l’étendue de la catastrophe sanitaire engendrée par le tabagisme en France ?

L’espérance de vie d’un fumeur est réduite d’au moins dix ans par rapport à un non fumeur. Les maladies qui sont le plus liées au tabac sont le cancer du poumon, les maladies cardiovasculaires et la bronchite chronique. Le cancer du poumon est la première pathologie liée au tabac en terme de mortalité (près de 90% de ces cancers sont dus au tabac). En outre, un fumeur actif sur deux va décéder d’une maladie liée au tabac.

Quand vous arrêtez de fumer, votre risque d’être touché par une maladie cardiovasculaire diminue très vite, au point de disparaître au bout de cinq ans.

Pour le cancer du poumon, les risques liés au tabac vont également réduire à l’arrêt de la cigarette, mais seulement de moitié à cinq ans. Les poumons gardent donc des séquelles.

Arrêter de fumer est très difficile, quelles sont les clés pour un sevrage réussi ?

La dépendance à la nicotine est très forte, elle est proche de celle que l’on développe pour les drogues dures (cocaïne, héroïne, etc). C’est une dépendance à la fois physique, mais aussi psychologique et gestuelle.

Quand on arrête la nicotine, un syndrome de manque apparaît, et sur ce point, les substituts nicotiniques sont efficaces (sprays, patches, etc). Grâce à l’utilisation de ces substituts, les chances de réussir à arrêter de fumer sont doublées à un an.

Mais l’arrêt du tabac est un apprentissage. Les échecs font partie de cet apprentissage. Les anciens fumeurs ont souvent envie de garder la « cigarette plaisir ». Mais, chez la grande majorité des fumeurs sevrés, la dépendance est telle que leur cerveau va demander une deuxième cigarette, une troisième, puis, très vite, ils se remettent à fumer avec la même intensité qu’avant le sevrage. Se rendre compte que l’on ne peut pas fumer une cigarette de temps en temps fait aussi partie du sevrage.

Agir sur la composante psychologique est plus compliqué. Beaucoup de personnes fument pour gérer le stress ou par plaisir… Il faut donc apprendre à gérer le stress différemment et essayer de ne plus associer la cigarette au plaisir.

La cigarette électronique est-elle une bonne solution ?

C’est un outil très intéressant. Les éléments toxiques de la cigarette (monoxyde de carbonne, goudrons, métaux lourds) ne se retrouvent pas dans la cigarette électronique, donc vous réduisez d’au moins 99% les produits nocifs pour le poumon.

La nicotine est, toutefois, toujours présente ce qui fait que vous gardez une addiction et vous conservez la gestuelle.

C’est donc une alternative pour les fumeurs très dépendants qui ont déjà eu des échecs de sevrage. Pour les jeunes, je suis plus prudente parce que je pense que c’est une possibilité d’entrer dans le tabagisme en devenant dépendant à la nicotine. De plus, on ne sait pas encore ce que l’exposition à la cigarette électronique donnera sur le long terme.