Atteinte d’une mucoviscidose, Clémence a pu bénéficier d’une greffe des poumons. Une intervention qui lui a permis de prendre un nouveau départ, un peu comme si la vie lui offrait une seconde chance. Depuis, elle savoure l’existence à pleins poumons et raconte son histoire, à la fois touchante et poignante.
Comment votre famille vous a-t-elle entourée depuis votre plus tendre enfance ?
J’ai grandi dans une famille soudée, pleine d’amour, de bienveillance et de soutien. Ma famille et notamment mes parents ont toujours été très présents pour moi et ma grande sœur, également atteinte de la mucoviscidose. Ils ont une force et un courage exemplaires. Sans eux, je ne serais pas là où je suis aujourd’hui.
Quand vous étiez enfant, les moments dédiés aux soins devaient être difficiles à supporter, même si vous n’avez pas connu d’autre réalité. Comment l’avez-vous vécu ?
J’ai eu une enfance complètement différente d’une personne non malade. J’ai passé la moitié de ma vie à l’hôpital. À 5 ans, j’ai eu une lobectomie, c’est-à-dire qu’on m’a enlevé la moitié du poumon gauche car celui-ci était trop infecté. Psychologiquement c’était très dur de se sentir « différente » aux yeux des autres. Je ne pouvais pas suivre mes ami(e)s en soirée, au restaurant, au cinéma ou même aller faire du shopping. C’était impossible pour moi de le faire parce que j’étais fatiguée et/ou trop occupée à faire mes soins (entre 3h et 6h/jour) : kinésithérapie respiratoire, aérosols et en période de surinfection des cures d’antibiotiques pouvant aller jusqu’à trois semaines pour me maintenir en forme. J’ai beaucoup souffert du regard des autres et des remarques. Bien que la mucoviscidose ne se voie pas, c’est une maladie qui s’entend par la toux et l’essoufflement.
Racontez-nous la greffe pulmonaire : comment ça s’est passé ? Comment avez-vous réagi en apprenant que c’était possible ? Avez-vous eu peur ?
Vers mes 15 ans, ma santé s’est soudainement dégradée à tel point que j’ai dû arrêter les cours. J’avais de plus en plus de soins notamment de la kinésithérapie respiratoire et des aérosols tous les jours et pendant plusieurs heures. En janvier 2006, mon médecin m’a parlé de la greffe bi-pulmonaire et c’est à ce moment-là que j’ai réalisé être arrivée au stade terminal de la maladie. J’ai pris une bonne claque dans la figure parce que, quand on a 15 ans, la seule chose qu’on souhaite c’est de vivre une vie comme une adolescente « normale » et non de parler de la vie et de la mort avec son médecin. Je n’avais plus de souffle et aucune force pour m’habiller, marcher, rigoler ou même parler. J’étais devenue squelettique, mon corps rejetait tout ce que je lui donnais. Je respirais à l’aide d’oxygène jour et nuit, et je me déplaçais en fauteuil roulant. Je savais que si cette greffe n’arrivait pas à temps, je ne passais pas Noël. J’ai été inscrite sur la liste d’attente de greffe en juin 2006 et j’ai eu une chance immense de n’avoir attendu (que) 5 mois.
L’attente fut longue, compliquée et tumultueuse. Je suis passée par toutes les émotions possibles et imaginables. J’étais en attente d’un « miracle » mais je gardais espoir !
Je m’étais fait une liste de toutes les choses que je souhaitais faire après la greffe, j’avais un blog où je partageais mon quotidien et je trouvais une échappatoire dans la peinture et le dessin.
Vous souvenez-vous du moment où vous avez appris que la greffe allait être possible ?
Oui, c’était un soir de novembre. Je venais de finir de regarder une célèbre émission de TV sur TF1 avec ma meilleure amie, et le téléphone a sonné. C’était l’équipe de transplantation pour m’annoncer qu’ils avaient des poumons pour moi. J’étais tétanisée et en même temps, j’ai ressenti un énorme soulagement, en me disant qu’enfin, c’était la fin d’un long et douloureux combat et qu’un nouveau chapitre s’ouvrait à moi. Je me suis rendue à l’hôpital de transplantation dans l’heure qui a suivi leur appel, où j’ai été prise en charge par l’équipe médicale. Derniers examens de vérifications et, vers 6h du matin, le chirurgien est venu dans la chambre pour me dire qu’on partait pour le bloc. Mes parents m’ont accompagnée jusque devant la porte, je les ai regardés et je leur ai dit « ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer. À tout à l’heure, je vous aime ». Pour moi, il n’y avait aucune raison que ça ne fonctionne pas. J’y croyais tellement. J’ai été greffée des poumons le 19 novembre 2006. L’opération a duré plus de 8 heures et sans aucune complication. Je me suis réveillée en salle de réanimation, intubée, perfusée et avec des drains de chaque côté du thorax pour permettre d’évacuer les sécrétions et le sang accumulés durant l’intervention.
J’ai été extubée deux jours après l’intervention, une semaine après je me tenais assise dans un fauteuil et le 29 décembre je suis, officiellement, sortie de l’hôpital. Le miracle de Noël !
Après avoir respiré avec vos nouveaux poumons, quand vous avez été extubée, vous avez dû être surprise. Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?
Je me souviendrai toujours de la sensation que j’ai eue quand je pouvais respirer sans oxygène… C’était magique et inexplicable ! Je n’avais jamais connu cette sensation, je ne savais pas ce que c’était de respirer à pleins poumons sans gêne respiratoire et sans l’aide d’oxygène. C’est une vraie renaissance !
Dans quelle mesure cela a-t-il changé votre vie ?
La greffe a absolument tout changé dans ma vie. Je pense que ça a été une des périodes les plus difficiles mais aussi une des plus révélatrices. Me dire que rien n’est acquis et que tout peut s’écrouler du jour au lendemain me permet aujourd’hui d’en profiter à 100%. Je ne suis plus du tout limitée dans mes activités quotidiennes. Je peux marcher sans avoir besoin de m’arrêter à chaque pas que je fais, voyager sans emporter ma bouteille d’oxygène partout où je vais, danser jusqu’à en perdre l’équilibre, travailler à temps complet et manger sans être écœurée à chaque bouchée.
La maladie est encore là, prenez-vous des traitements ?
J’ai encore une trentaine de médicaments à prendre par jour, notamment des anti-rejets que je dois prendre tous les jours et à heure fixe pour éviter le rejet du greffon mais ce n’est rien comparé à ce que j’ai pu avoir. Je n’ai plus d’oxygène, ni de soins au quotidien.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Sereinement et plein d’espoir. L’avenir ne me fait plus peur, pendant des années avant ma greffe, j’avais peur de mourir. Aujourd’hui, je ne vois plus les choses de la même manière.
La vie m’a offert une deuxième chance que je savoure à chaque instant. Je ne me prive de rien, je réalise toutes les choses que je ne pouvais pas faire avant ma greffe pour ne rien regretter. Je vois ma maladie comme une force et non comme une entrave. Sans elle, je ne serais définitivement pas la même. La maladie me pousse à vivre et à savourer chaque instant.
Je ne suis pas à plaindre. J’ai une maladie invisible, elle fait partie de moi mais je ne suis pas que ça. On oublie souvent que le handicap ne qualifie pas une personne mais que c’est la personne qui subit le handicap. La maladie n’a jamais été une barrière, elle ne m’empêchera jamais de voyager, de tomber amoureuse, d’avoir de l’ambition, ni de faire de belles rencontres et de réaliser mes rêves.
Quels conseils donnez-vous aux autres patients atteints de mucoviscidose ?
J’aimerais dire aux personnes qui sont atteintes de la mucoviscidose (ou autre pathologie) et qui traversent une période difficile qu’il faut continuer à se battre parce que la vie vaut vraiment la peine d’être vécue. Gardez la foi et le reste suivra.
M-FR-00006587-1.0 – Établi en avril 2022