Une seconde vie après sa leucémie

Cancers
Une seconde vie après sa leucémie

Laurent, 50 ans, a été atteint d’une leucémie foudroyante, détectée alors qu’il n’avait que 3 ans, en 1972. Selon les médecins, il lui restait quelques mois à vivre. Grâce à un nouveau traitement venu des Etats-Unis, mis en place par  le professeur Jean Bernard, il a été soigné pour devenir le premier guéri de leucémie en France.

Comment a-t-on découvert que vous étiez atteint d’une leucémie ?

Laurent : C’est à l’âge de 3 ans que les premiers signes sont survenus suite à une angine assorties d’importantes variations de température. Ma mère s’est inquiétée pour la première fois suite à une température très basse (35°). Le pédiatre m’a prescrit des examens de sang, nous avons eu rendez-vous à l’hôpital et à la lecture des résultats, le couperet est tombé. J’étais atteint d’une leucémie foudroyante. Les médecins ne me donnaient pas plus de six mois à vivre.

 Après ce terrible diagnostic, comment avez-vous été pris en charge?

Mes parents ont eu vent d’un nouveau traitement qui arrivait des Etats-Unis, mis en place par le professeur Jean Bernard. J’ai été l’un des premiers à bénéficier de ce tout nouveau protocole, à l’hôpital Saint-Louis en 1972. J’ai suivi des séances de chimiothérapie jusqu’à l’âge de 8 ans puis des ponctions lombaires et de moelle osseuse jusqu’à 16 ans, lorsque j’ai été déclaré guéri.

Pendant ces années, quel était votre quotidien et plus particulièrement celui de votre famille ?

Cela a été très difficile pour mes parents et pour ma sœur. J’ai toujours été très couvé par mes proches, et cela m’a beaucoup aidé. Je leur serai toujours reconnaissant. Ce soutien m’a permis de combattre la maladie. Le quotidien de ma mère a été très difficile cependant. Annoncer à une femme que son fils va mourir est certainement aussi violent qu’annoncer une maladie incurable à un patient. Lorsque je suivais mes chimiothérapies à l’hôpital, lesquelles duraient deux à trois semaines, ma mère était toujours à mes côtés. Mes grands-parents venaient pour la suppléer à la maison et à l’hôpital. Et lorsque j’étais de retour, il fallait faire extrêmement attention, veiller à ce que je n’attrape aucune maladie infantile (même si je les ai presque toutes contractées)… Les risques pendant le traitement sont nombreux. Ces moments étaient délicats pour tout mon entourage.

Votre parcours scolaire a-t-il été impacté ?

Oui, car je n’étais pas en mesure de suivre les cours à cause des traitements pendant un certain temps étant très fatigué par le traitement, mais mes parents tenaient à ce que j’aille un minimum à l’école pour essayer d’être avec d’autres enfants et me changer les idées.

Vous avez été le premier patient guéri de leucémie en France. Comment les médecins en ont-ils été certains ?

Les analyses et les ponctions ont petit à petit montré l’efficacité du traitement par chimiothérapie. Afin de ne pas courir d’autres risques, leur fréquence a été espacée après l’âge de 8 ans. Le traitement s’était révélé vraiment efficace et au bout de 13 ans, les médecins ont été assurés que j’étais bel et bien guéri. J’ai subi ma dernière ponction de moelle osseuse à l’âge de 16 ans. Quelques années plus tard, j’ai repris contact avec le Professeur Jean Bernard qui m’a lui-même écrit que j’étais assurément l’un des premiers guéris de cette maladie. Mais si la leucémie est partie, la maladie fait toujours partie de moi, de mon histoire.

Par la suite, y a-t-il eu des complications ou des rechutes ?

Vers 30 ans,  j’ai eu une ostéite et j’ai consulté un grand bactériologue à l’hôpital Cochin qui m’a dit qu’il y avait certainement des retombées sur le système nerveux car à l’époque, les chimiothérapies n’étaient pas aussi bien dosées qu’aujourd’hui. Mais ces séquelles ne sont rien à côté du cadeau de la vie que m’a offert ce traitement. Je pense que je suis aussi devenu un peu hypocondriaque, je me fais suivre régulièrement, mais à part les accidents courants de la vie (j’ai eu plusieurs accidents de voiture et deux roues-par exemple), je n’ai jamais fait aucune rechute. Je travaille, j’évolue comme une personne normale.

Bien que vous soyez guéri, la maladie vous fait-elle encore peur ?

La leucémie est ancrée en moi. Après une maladie telle que celle-ci, on est dans un autre état d’esprit. J’y pense souvent, mais si demain on m’annonçait que j’avais à nouveau un cancer, ce n’est pas quelque chose qui m’effraierait. Je continuerais de vivre. Bien sûr, ce serait un choc, mais ce qui me ferait le plus peur ce serait de l’annoncer à mon entourage. Si c’est dur pour le patient, cela l’est tout autant pour la famille, parfois même plus, même si beaucoup d’actions ont été mises en œuvre pour les aider psychologiquement. Quant aux traitements, ils ne me font pas peur. De plus, j’ai aujourd’hui une relation avec le milieu médical assez particulière, tant je le connais bien. J’ai baigné dedans une partie de mon enfance. Je ne serais pas en terre inconnue.

Le bien être en milieu hospitalier a-t-il selon vous évolué ?

Il me semble que l’hôpital est un peu plus joyeux, au sens où on met en place beaucoup de choses pour les enfants et leurs familles. Il y a des clowns, des animations, des aides psychologiques. A mon époque, on nous mettait dans des box isolés, c’était traumatisant. J’ai été traité il y a plus de 40 ans maintenant, et je reste contemplatif devant les progrès incroyables de la médecine et de la recherche depuis ces années, depuis les premières chimiothérapies mises au point par le Professeur Jean Bernard. Cela donne beaucoup d’espoir.